[1958]
Nous sommes rentrés hier, après avoir traversés des tempêtes de neige sur les monts d’Auvergne.
Bien sûr, je suis ennuyé que la suite de ton essai ne paraisse pas dans le prochain n°. Et que tu sois aussi ennuyé que moi, ce n’est pas une consolation ! D’autant moins que je songe que, si tu n’as pu terminer ton essai, c’est que ta santé n’est pas bonne.
Dominique t’envoie les épreuves de la Revue des Revues. Crois-tu tout à fait juste ton commentaire de Sartre. On te répondra :
1° : Pourquoi n’avez-vous pas parlé vous-même ? Puisque vous aviez parlé et contre les exactions allemandes et contre celles de la Résistance, vous aviez le devoir de parler contre les exactions françaises en Algérie.
2° : si Sartre et d’autres ont eu tort de se taire au lendemain de la réparer arrêter les tortures ; elles étaient accomplies ; aujourd’hui, il faut en empêcher de nouvelles.
3° : Ce qui, de Français à Français, était un crime, devient un crime plus grand, plus dangereux pour la France même, quand les Français le commettent contre un peuple assujetti.
On ajoutera que les crimes de la Libération n’ont duré que quelques mois, et dans l’affolement ; alors que les exactions françaises en Algérie durent depuis des années, et semblent relever d’un plan méthodique.
On pourrait ajouter ceci : que plus les Français commettent de crimes entre eux, plus ils se portent garants de la liberté et de la fraternité chez les autres peuples. C’est de grande tradition révolutionnaire. On peut le trouver illogique, mais voilà qui a beaucoup fait pour la gloire de la France …
- Cela dit, nous ne pouvons être en désaccord. Nous sommes, toi et moi, profondément Français, et nous voulons être justes. Il me semble donc que nous avions à la fois à
Je t’embrasse