Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1958 Arland, Marcel (1899-1986) 1958 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1958 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Jeudi

[1958]

Cher Jean,

Non, je n’ai pas lu ta chronique avec tout l’attention et tout le calme souhaittables. D’abord parce que le temps pressait : il fallait la remettre au courrier de 5h1/2. Puis, parce que dès le premier commentaire (sur la Lettre au Président de la R. [République]) je me suis dit : « Ça y est, il reprend son attaque du mois dernier sous une forme plus modérée, sans doute, mais telle encore que l’on songera que rien ne compte pour lui sinon les erreurs de la Libération. » Là-dessus, je continue rapidement : voilà qu’il s’agit encore d’une pétition politique. Et je tombe sur le mot fascisme, appliqué à de Gaulle. Or peut importe la définition du dictionnaire (et d’ailleurs non, il ne s’agit pas d’une dictature) ; ce qui importe, c’est le sens qu’a pris aujourd’hui le mot « fascisme ». Et ce sens ne permet pas qu’on applique ce mot à de Gaulle après Hitler et Mussolini. Je le dis hors de toute opinion politique.

(Te rappelles-tu le mot de Faguet, ou plutôt de Muller et Rebaux : engueuler ne saurait avoir un sens péjoratif ; cela veut dire strictement prendre dans la gueule ; un chien engueule un os).

Reste que toute ta chronique tourne autour de manifestations politiques. C’est beaucoup pour une revue littéraire.

Reste surtout ceci. Nous sommes parvenus à faire collaborer à la Revue des écrivains de tendances très diverses, parfois opposées. (Que Pierre Emmanuel, non sans avoir longtemps hésité, viennent de nous envoyer des poèmes, c’est un signe). Je voudrais bien que la Revue devienne de plus en plus ce lieu de rencontre, ce rassemblement hors des partis. Encore faut-il que nous le permettions. - de même que nous passons, pour le bien de la revue, sur nos sympathies ou antipathies.

Mais, dès que j’aurai les épreuves, je relirai attentivement ta note et, si tu le veux bien, je te donnerai mon sentiment.

Je t’embrasse

Marcel