Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'André Rolland de Renéville à Jean Paulhan, 1932-03-31 Rolland de Renéville, André (1903-1962) 1932-03-31 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1932-03-31 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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172 Bd Saint-Germain

Paris

Tel. Littré 55-26

06 juillet 1932 

Mon cher ami 

J’ai bien tardé à vous répondre. J’ai traversé une crise de dépression pendant laquelle je ne pouvais plus rien faire, pas même écrire une lettre. Je demande à votre amitié de bien vouloir me passer ces moments où je cesse d’exister un peu plus que d’habitude.

Je reprends votre lettre !

1er Je suis étonné que vous attachiez une importance fondamentale à mon jeu de mots sur le terme « connaissance ». Il n’y avait pas là une détermination de ma pensée, mais une sorte d’image-calembour à laquelle je n’avais jamais eu jusqu’ici recours, et qui par conséquent ne saurait en rien déterminer une pensée qui existait avant ce jeu de mots. Je prétends que lorsqu’un homme se pose une question, le spectacle qu’il donne, devient aux yeux du philosophe un drame où 3 termes s’affrontent : un sujet, un objet, et la relation qui existe entre eux.

2° La préférence pour l’absolu (et non pas un certain absolu, bien entendu, puisqu’il est impossible d’en concevoir plusieurs) est incluse dans l’interrogation que se pose le sujet en face de l’objet. Si la vérité ne consistait pas dans l’intégration du sujet et de l’objet, le sujet ne pourrait se poser de question par rapport à l’objet.  Et d’ailleurs ce qu’on nomme l’absolu étant une notion de plénitude, en dehors de laquelle rien ne se peut  concevoir, la question ne peut se poser de savoir si l’absolu ne consisterait pas dans le multiple, c’est-à-dire dans l’opposée de sa propre notion.

Votre observation tend à poser la valeur de la raison humaine, et à nous faire retomber dans l’agnosticisme kantien que j’avais tenté d’écarter en admettant que l’homme faisant partie d’une certaine réalité, et déterminé dans le sens de cette réalité : les catégories de sa raison s’adaptent sans doute à celle de l’objet, puisqu’il existe entre cette raison et cet objet un rapport de nature. (Impossibilité de concevoir une raison qui aurait prise sur un objet totalement différent d’elle – Argument platonicien).

Le Scholie de Benda me paraît faux dans ses prétentions historiques, et misérable dans ses ambitions. Je vous en reparlerai. Je n’ai pas la Revue sous la main.

Je pense passer vous voir ce soir à la N.R.F., mon cher ami, croyez moi vôtre.

Renéville