Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'André Rolland de Renéville à Jean Paulhan, 1932-06-02 Rolland de Renéville, André (1903-1962) 1932-06-02 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1932-06-02 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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02/06/32 - Paris.

Mon cher ami

Je passerai demain vous remettre le Procès de Kafka que je trouve tout à fait beau. Je suis heureux de connaître cette œuvre, et compte la relire avec attention, lorsqu’elle passera dans la Revue. Actuellement je dispose malheureusement de peu de temps pour une lecture attentive.

J’aimerais que vous pensiez que je n’avais fait qu’écrire à Artaud, parmi d’autres choses, que la parution de ma lettre à Breton était retardée pour des motifs matériels. Je suis fâché qu’il ait pris sur lui de vous écrire à ce sujet. Sans doute a-t-il agi dans une amicale intention, mais j’éprouverais une vraie peine si vous deviez, à la suite de cette maladresse, vous inquiéter, même légèrement, de la confiance que vous avez su m’inspirer. Ce sont là des nuances dont je souffre à l’extrême.

Je suis tout à fait d’accord avec vous sur votre définition du meilleur poème. Les innovations de forme n’ont d’intérêt qu’autant qu’elles conduisent à des réalités spirituelles insoupçonnées Et je ne crois pas qu’il puisse y avoir non plus une pensée vraiment haute sans une belle écriture.

J’avais oublié de vous dire que Daumal serait disposé à écrire une étude d’ensemble sur l’œuvre de R. Guénon. Il demanderait simplement qu’on lui prête les livres de cet auteur, et lui accorde un délai de 2 mois. Il connaît beaucoup mieux que moi la pensée de R. Guénon.

Le garçon américain que je vous ai présenté m’a confié deux livres de vous pour que vous lui mettiez une dédicace. Ce garçon me paraît assez plein de mérite, car il n’est parvenu à la pensée de Mallarmé qu’après avoir travaillé 10 ans soit comme ouvrier d’usine, soit comme marchand de bonbons dans les cinémas. Le soir il poursuivait des études qui lui ont permis d’occuper ensuite une place de professeur à l’Université de New-York.

Je suis prêt à écouter avec plus d’attention ses opinions sociales que celles de Monsieur Crevel. Mais elles sont justement beaucoup moins sûres d’elles mêmes.

Mon cher ami je vous serre les mains.

A. Rolland de Renéville