C’est avec beaucoup de raison que vous remarquez : une vérité relative n’est pas une vérité. Et poussant dans ces conséquences cet axiome, nous ajouterons : la création que nous percevons et à laquelle nous participons, se révélant limitée, et n’existant que relativement à sa propre notion, mais nullement par rapport à un absolu que nous savons seul réel, cette création n’existe pas, elle n’est qu’une illusion passagère que l’on peut comparer, lorsqu’on la confronte avec l’Absolu, à la vision d’un rêveur – la vie est un rêve dans un rêve. Telle est du moins la conclusion à laquelle aboutit la pensée orientale, et que certains de nos poètes ont pressenti (un poème de Poe se termine par cette expression : la vie est un rêve dans un rêve).
Si nous admettons comme hypothèse de travail que nous apporte la logique, cette distinction entre une Réalité unique, ne peut posséder d‘autres catégories que celles du monde même qu’il observe, sans cesser de lui appartenir.
Vous ne pouvez donc me dire très fermement : « C’est de l’homme seul que vous êtes condamné à parler, et la loi d’analogie n’est qu’une aimable fantaisie de votre esprit ».
En vérité c’est tout à la fois l’homme, le monde, et la loi d’analogie qui sont des fantaisies (ou mieux une fantaisie) de l’Absolu.
Je ne prends même pas la peine de réfuter la théorie de Kant, si vous voulez. Je m’en accommode, et la réduit presque à une vérité que va sans dire : « mon esprit appartenant au monde relatif en a évi
Mais si je me tourne vers l’Absolu, il en est autrement. Je ne puis le connaître, car la connaissance, je le répète, suppose une distinction entre sujet et objet. D’autre part la structure de mon intelligence ne me permet pas de l’appréhender. Toutefois, si je renonce à ma conscience, à l’illusion de ma personnalité et de mon existence, je puis m’abîmer en lui, ou du moins l’approcher (Extases mystiques).
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Je vous aurais cité Kant en réponse à une phrase où vous m’assuriez que l’absolu peut devenir un objet de connaissance scientifique. Vous alliez jusqu’à absolu par le mot monde.
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Je vous accorde tout à fait les 3 points de votre lettre. Ils rendent possible l’étude des mystiques (je ne dis pas de ce que les mystiques ont perçu…) Nous pourrons peut-être, comme vous le dites, arriver ainsi à définir ce qui s’est passé. (J’ajoute : en eux).
Pour ce qui est des hommes de science (Einstein) ils parviendront à connaître la réalité du monde relatif, mais s’arrêteront fatalement au seuil de l’autre.
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Je n’avais pas du tout compris que notre réunion à huit concernerait la N.R.F. Dans ce cas, il en est tout autrement en effet ! Je crois qu’il y a dans ce sens un effort d’ailleurs minime, mais qui serait plein de riches conséquences, à effectuer pour que la Revue soit parfaite dans chacun de ses n°. Mais G. [Gaston] vous laissera-t-il entièrement libre d’écarter de sa revue toute littérature ?
Je n’ai pas lu M. Godeau intime, et suis dès maintenant persuadé que j’ai parlé à la légère de Jouhandeau que j’admire, vous le savez.
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Artaud serait sur le bon chemin pour trouver les soutiens nécessaires à son projet. Il m’a écrit une lettre pleine d’espoir, et même de joie, car son projet a dès maintenant pris corps ainsi qu’il a dû vous l’écrire. S’il réussit, ce sera bien passionnant.
Je rentre le 26 sept. A Paris (1 rue C. Delavigne). À bientôt donc mon cher ami, je vous serre les mains, et vous prie de bien vouloir transmettre mes hommages à Madame Paulhan.