MINISTÈRE DE LA JUSTICE
11 rue de Sèvres - Paris
Mardi soir 16 oct. 34
Mon cher ami,
À propos de notre discussion touchant l’interprétation du Sonnet des Voyelles un argument me vient qui renforce la répugnance que je ressens à admettre la thèse du collaborateur à la N.R.F. Le voici : en admettant pour un instant que Rimbaud se soit inspiré d’un alphabet illustré pour élaborer son poème, quel mobile a pu dans ce cas le pousser à ne choisir
Que si l’on admet ma théorie qui est de ne pas séparer ce sonnet des autres recherches, et de l’œuvre totale du poète, ce choix, précis des Voyelles s’éclaire, et par contre
quiconque s’est penché le moins du monde sur les recherches des Kabbalistes à propos de la Parole, sait que les Voyelles comptent seules. Les Hébreux n’avaient tout d’abord pas le droit de les écrire, à cause de leur portée magique et incalculable. Plus tard, elles furent marquées en hébreu par de simples points. Relisez à cet égard St Martin ou Fabre d’Olivet. La portée magique et créatrice des voyelles sur quoi le système incantatoire de la magie (et particulièrement de la magie
Je crois sincèrement que le mouvement qui se dessine à l’heure actuelle en faveur d’une désintellectualisation » de Rimbaud n’est qu’un de traits de la tendance au moindre effort selon laquelle il est plus séduisant de penser que Rimbaud n’a rien
A vous affectueusement
André
N’oubliez pas de demander le Bardo, à A. Suarès. Je voudrais écrire un article sur les états du Bardo comparés à ceux du Mangeur d’opium. Il y a là de curieuses analogies.
Je n’oublie pas que je vous dois une réponse à la grande lettre que vous m’avez envoyée avant les vacances.