Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'André Rolland de Renéville à Jean Paulhan, 1951-04-10 Rolland de Renéville, André (1903-1962) 1951-04-10 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1951-04-10 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
10 avril 1951 

11 rue Madame (6e

Mon cher ami

Si vous pouvez écrire à Lucien Descaves en sa qualité de membre de la Commission Paritaire du Travail, pour lui demander d’accueillir la demande de retraite que Jean de Boschère a formée devant cet organisme (à titre de vieil homme de Lettres) vous pouvez maintenant le faire utilement. En effet vous pourrez indiquer en même temps à M. Descaves que Boschère, belge d’origine, vient d’être naturalisé par décret du 16 mars 1951, publié au Journal Officiel du 25 mars 1951.

Pour tout renseignement complémentaire M. Descaves peut faire écrire à Jean de Boschère 184 rue Nationale – La Châtre (Indre).

Merci de votre belle note en forme de lettre. Votre ouvrage sera passionnant et magnifique. Il faut le terminer le plus vite possible.

« Mes amis… » ? mais ce sont tous les poètes de l’antiquité, et ensuite tous ceux du romantisme et du symbolisme. De nos jours je crois bien que je suis presque le seul essayiste (et en tous cas le premier) à avoir tenté d’esquisser en corps de doctrine l’ensemble de leurs affirmations. Il est vrai que depuis, Whal, Béguin et quelques autres, ont pris ma thèse à leur compte, ou tout au moins ses principaux éléments.

« Des illusions… » Oui, bien sûr, l’univers est peut-être lui-même un rêve Dieu. Notre conviction d’exister, nos désirs, nos pensées, nos convictions sont des illusions. Le Bouddhisme prend l’illusion universelle comme point de départ de sa doctrine. Et dans les Lettres à Cazalis, Mallarmé se réfère au Bouddhisme.

Il est vrai que je fais glisser là votre conception de l’illusion par rapport à la raison, à une conception métaphysique de l’illusion. Mais la démarche philosophique est une chaîne sans fin. L’on ne peut s’arrêter à l’un de ses chaînons.

Sans doute avez-vous dû ressentir, chemin faisant, la tentation de noter que l’illusion des rhétoriqueurs est moins favorable à la création artistique que celle de leurs ennemis. Et cela paraît si vrai que l’on en vient à ausculter avec délices et stupeur les créations des êtres que la raison a quittés, ou n’a pas encore gagnés. (Art brut)

J’avoue que c’est là une vue pragmatique, et non pas tout à fait une justification. Mais elle doit rendre malaisée l’élaboration d’une logique critique qui se tiendrait à égale distance des deux partis, ruinerait leurs justifications respectives. Sans doute est-ce d’ailleurs ce que vous pensez en écrivant : « Et quel est le raisonnement, après tout, qui ne se fonde sur une illusion rectifiée ? »

Nos plus affectueuses pensées à tous deux

André