Paris 11 rue Madame (6e)
Nous sommes rentrés hier soir après avoir passé le mois d’août à Vernon (Eure). Et en rentrant je trouve votre amicale carte et aussi votre « Petite préface à toute critique ». L’une et l’autre nous font le plus grand plaisir. Mais notre joie est hélas ! très gâtée par ce que vous me dites de la fatigue ressentie par Germaine à la suite de son déplacement !
A Vernon, Cassilda a reçu de sa sœur une lettre qui lui a causé le plus grand chagrin, car il
J’ai fait avec votre livre, ce que l’on ne doit jamais faire : je n’ai pu résister hier soir, à le commencer par le milieu, c’est-à-dire le chapitre sur Rousseaux (André). Merveilleux !… S’il avait un peu de sens (mais alors il ne serait pas A. R. [André Rousseaux]) il vous répondrait peut-être que c’est parce qu’il est incapable d’être un écrivain qu’il a opté pour la critique. Et que s’il devait en être autrement, il n’y aurait pas du tout de critique sur terre, ce dont les écrivains seraient bien navrés. Il pourrait même tenter comment on écrit.
Je vous parlerai de votre livre lorsque je l’aurai lu vraiment, c’est-à-dire après l’avoir pris par la première page. En attendant je voudrais que vous me disiez (si vous en avez le temps) ce qu’il faut penser de l’emploi de ne dans une phrase affirmative, et s’il faut s’abstenir absolument d’un ne. Vous écrivez p. 61 : « … il était à craindre qu’un nouveau coup de mer les projetât dans les drosses du gouvernail. » Etait-il possible ou non d’écrire « ne les projetât » ? Vous avez fait exprès de ne pas le faire. Pourquoi ? Je m’excuse de vous demander ce petit conseil de style, mais il y a là une question qui m’a souvent inquiétée, lorsqu’il m’arrive d’écrire.
A Vernon j’ai pu travailler et beaucoup avancer mon livre sur Rimbaud et ses témoins.
Mon cher ami nos vous adressons à tous deux nos affection bien vives.