Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marie-Anne Commène à Jean Paulhan, 1957 Comnène, Marie-Anne (1887-1978) 1957 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1957 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Vendredi soir [1957]Rajouté par Claire Paulhan. Lettre de [février ?] 1957 (voir plus bas). Cher ami

J’ai lu De mauvais sujetsJean Paulhan, De Mauvais sujets (Les Bibliophiles de l’Union Française, 1958). MAC lit ce texte sur épreuves (voir plus bas).. Il y a à la dernière ligne de la page 5 un Je me trouvais tout étonné qui donne tout le ton du récit, qui est d’une malice si présente et si irrésistible qu’on est secoué de rire et nullement menacé de mystification mais d’intelligence pure, si pure qu’on a peur de se perdre. A vrai dire, c’est tout le temps d’une vérité qui n’a que l’air simple et limpide mais qui est escarpée et attirante comme tout ce qui est très haut… bien sûr on se demande ce qu’on trouvera quand on aura fait l’effort de grimper… mais je pense que vous voulez donner cette impression de vertige et d’insaisissable… et qui pourrait vous le reprocher ?

Pourtant ce récit ne se présente pas comme une chose finie en soi, mais me semble-t-il comme un chapitre de mémoires où il prendrait sa vraie place et serait éclairé par ce qui précéderait et ce qui suivrait.

Et pourquoi ne pas les écrire ces mémoires ? Quel livre ce serait ! Même s’ils restaient seulement dans le domaine des aventures de l’esprit ! Merci beaucoup de m’avoir donné à lire ce qui n’est pas encore à tous. Mais je n’ai pas encore compris pourquoi Jean Paulhan et Marcel Arland ne publient pas très vite et dès le n[uméro] de mars ces Mauvais sujets dans leur NNRF.

Pour l’anonyme cantatrice, son récit est certes tentant pour le public. Je voudrais pourtant m’assurer de 2 choses 1/ que son propre exhibitionnisme est indispensable à la mort de Pirandello 2/ que Pirandello repose à Agrigente sous une pierre tombale. Mon [un mot ?] non ! Ceci est une [interprétation ?] de chanteuse. Les cendres de Pirandello, après la crémation, ont été dispersées comme il l’avait souhaité devant la mer de son village natal et quelques-unes ont été gardées et sont conservées dans l’urne cinéraire qui est dans le musée Pirandello à Agrigente.

J’ai écrit à Fausto pour qu’il m’écrive avec précision le détail de tout cela et je vous communiquerai sa lettre. Par ailleurs ce qui a tant bouleversé cette femme – le cri de 13 ( ??) personnes qui ont assisté à la levée du cercueil, c’est probablement ce qui aurait le plus irrité Pirandello s’il avait pu l’entendre car de toutes les cérémonies obligatoires qui accompagnent le mort, c’est la plus barbare et la moins profonde ; la tradition du cri poussé à l’unisson par la famille du mort demeure dans les Iles de la Méditerranée, en Sicile, en Sardaigne, et en Corse ; je me souviens encore de l’impression artificielle que me donna le cri de mon père (respectueux de toutes les traditions) à la minute même où mon grand-père mourut. Et pourtant je savais sa peine. Mais ce n’est pas ce cri obligatoire qui pouvait l’exprimer.

Il y a eu et il reste encore des cris d’usage dans le malheur, comme il reste des pleureuses, des charivari pour le mariage des veufs et des hourrah…

Je veux dire que ce hurlement à la mort n’avait rien que d’antique tradition et se serait produit même si Pirandello n’avait pas été Pirandello.

Si vous le voulez bien attendez la lettre de Fausto. Il serait trop ennuyeux d’avoir mis 20 ans à dire des choses approximatives ; il est vrai que l’artiste seule serait responsable mais …

J’ai eu bien du plaisir à vous retrouver.

Au revoir et à bientôt et

Toute la vieille amitié de

Marie-Anne

Si jamais vous allez en Sicile et que vous ayez la curiosité de vous rendre au musée d’Agrigente, les conservateurs vous montreront l’urne, dont ils vous donneront aussi la photographie, où reposent les cendres de Pirandello. Ils vous montreront aussi au loin le petit village où il est né ([ ?]) ou Empédocle que l’on voit de la terrasse du musée avec cette mer sur laquelle [plusieurs mots illisibles à cause du cliché]

Ultima verba

Et je veux encore ajouter ceci cher ami.

Toutes ces ridicules erreurs – aussi bien d’ailleurs à la Radio – ne se seraient pas produites, si G[aston] G[allimard] avait réuni en volume les études de Benj[amin] sur Pirandello comme je l’en ai prié une dizaine de fois depuis 1948. Sa négligence et son inertie vont probablement me forcer à donner ailleurs ce petit livre où je serai forcément appelée à parler de la vie et de la mort de Pirandello. Mais j’aurai encore la patience d’attendre la parution du volume VIII (qui contient les dernières trad[uctions] de Benj[amin] [mots illisibles].Le Théâtre de Pirandello est paru aux éditions Gallimard en plusieurs volumes : le Tome 1 (novembre 1950) et le Tome 2 (mars 1951) dans la traduction et l’adaptation de Benjamin Crémieux ; puis les Tomes 3 (novembre 1951), 4 (février 1953), 5 (janvier 1954), 7 (octobre 1956) et 8 (janvier 1958) dans une traduction et une adaptation de Benjamin Crémieux et Marie-Anne Comnène. Les tomes 6 et 9 ont été publiés par d’autres traducteurs.