Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Claude Elsen à Jean Paulhan, 1950 Elsen, Claude (1913-1975) 1950-07-31 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1950-07-31 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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dimanche soir [1950] Mon cher Jean,

Un premier et rapide regard sur le ms. [manuscrit] Coroli me le remet tout à fait en mémoire. Vous me l’avez donné à lire en mai ou juin dernier, je vous avais, à l’époque, remis à son sujet une note à la fois favorable et réticente. Réticente en ce qui concernait sa longueur et, parfois, son écriture. L’auteur a déjà élagué. Il y aurait encore à retrancher et à légèrement remanier,- et cela pourrait donner, je crois, un livre assez fort .Qu’attendez-vous au juste de moi ?

Au procès D. [David] Rousset - « Lettres françaises », M. Jean Laffitte (communiste), à qui Me Bernard demandait : « Si par hasard des camps existaient en URSS, les condamneriez-vous ? », a répondu : « Vous me demandez : si votre mère était un assassin, la condamneriez-vous ? Je réponds : Ma mère est ma mère, et elle ne peut être un assassin. » Il me semble que cela va assez loin. En somme, cela rejoint le « Right or wrong, my country » des nationalistes anglais… et autres (cf « La France seule » des maurrassiens).Ceux-ci objecteront que « my country » c’est ma patrie, tandis que M. Laffitte entend choisir sa mère (patrie). J’avoue que je comprends mieux le second point de vue – même si je ne le partage pas plus que le premier. Car, je vous l’ai dit, je n’ai jamais eu (et beaucoup de choses sont venues de là) le « sens » patriotique ou nationaliste. Et je me suis toujours demandé au nom de quoi on pouvait reprocher à quelqu’un ce manque, plus que le manque de foi religieuse, par exemple. Comment pourrait-on trahir une chose, une cause ou une idée à laquelle on ne croit pas ?Pouvoir dire cela tout haut Je voudrais y faire discrètement allusion dans les pages à propos de Gide que je vous donnerai.

Nous étions bien contents, samedi soir, Yvette fût-elle un peu intimidée (me dit-elle), et moi malgré tout un peu déprimé par les circonstances. Comment échapper à cette fascination morose, dites-moi ? Comment cesser de penser que si le pire n’est pas toujours sûr – comme dit Claudel – il est à tout le moins possible, voire probable, et n’en pas être un peu paralysé ?

Votre amiGérard

P.S. Pour l’incident Lambrichs-Brenner, ce que je voulais vous demander se ramène à ceci : 1°/ savoir si l’un des deux, ou les deux, ont fait la « conjonction » Elsen – G.D. [Gérard Delsenne], 2°/ si oui, s’assurer qu’ils n’en ébruiteront rien. Si le 2° en tout cas vous paraît probable, tout va bien.