Un premier et rapide regard sur le ms. [manuscrit] Coroli me le remet tout à fait en mémoire. Vous me l’avez donné à lire en mai ou juin dernier, je vous avais, à l’époque, remis à son sujet une note à la fois favorable et réticente. Réticente en ce qui concernait sa longueur et, parfois, son écriture. L’auteur a déjà élagué. Il y aurait encore à retrancher et à légèrement remanier,- et cela pourrait donner, je crois, un livre assez fort .
Qu’attendez-vous au juste de moi ?
Au procès D. [David] Rousset - « Lettres françaises », M. Jean Laffitte (communiste), à qui Me Bernard demandait : « Si par hasard des camps existaient en URSS, les condamneriez-vous ? », a répondu : « Vous me demandez : si votre mère était un assassin, la condamneriez-vous ? Je réponds : Ma mère est ma mère, et elle ne peut être un assassin. » Il me semble que cela va assez loin. En somme, cela rejoint le « Right or wrong, my country » des nationalistes anglais… et autres (cf « La France seule » des maurrassiens).
Ceux-ci objecteront que « my country » c’est ma patrie, tandis que M. Laffitte entend choisir sa mère (patrie). J’avoue que je comprends mieux le second point reprocher à quelqu’un ce manque, plus que le manque de foi religieuse, par exemple. Comment pourrait-on trahir une chose, une cause ou une idée à laquelle on ne croit pas ?
Pouvoir dire cela tout haut
Nous étions bien contents, samedi soir, Yvette fût-elle un peu intimidée (me dit-elle), et moi malgré tout un peu déprimé par les circonstances. Comment échapper à cette fascination morose, dites-moi ? Comment cesser de penser que si le pire n’est pas toujours sûr – comme dit Claudel – il est à tout le moins possible, voire probable, et n’en pas être un peu paralysé ?
P.S. Pour l’incident Lambrichs-Brenner, ce que je voulais vous demander se ramène à ceci : 1°/ savoir si l’un des deux, ou les deux, ont fait la « conjonction » Elsen – G.D. [Gérard Delsenne], 2°/ si oui, s’assurer qu’ils n’en ébruiteront rien. Si le 2° en tout cas vous paraît probable, tout va bien.