Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Claude Elsen à Jean Paulhan, 1950 Elsen, Claude (1913-1975) 1950-07-31 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1950-07-31 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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lundi [1950] Mon cher Jean,

Entendu et merci : je vous verrai demain, entre 6 et 7, à la nrf [Nouvelle Revue Française] (où j’aurai vu Queneau un peu plus tôt). Nous avions envie de voir les Caves , et je songeais vaguement à vous en parler. Merci d’avoir pensé à des places « invisibles » - car j’imagine que, mercredi, il y aura foule de gens connus…

Nous réglerons, demain, la question de samedi.Vous me direz aussi si et comment, selon vous, je pourrais voire Kerchove. (Peut-être me donnerez-vous son livre.)

Les réactions alla Mistler (concernant Mme de Merteuil) ont le don de m’exaspérer,- un peu comme celles des maris jaloux. Chacun sait, au demeurant, que ces derniers sont beaucoup plus souvent cocus que les autres.

Croyez-vous vraiment à la valeur de « mythe » du Silence de la Mer  ? Il me semble que ce sont les circonstances et le hasard qui font les mythes, et je crois que publié en 40, en 44 ou depuis, le Silence serait passé inaperçu (exactement comme, si le Roman de Tristan avait été écrit un siècle ou deux plus tard, il aurait perdu tout signification « mythique »).

C’est-à-dire que si la France avait organisé sa défense en 1938 (après Munich) il n’y aurait, en effet, peut-être pas eu de guerre en 39. Mais les Russes laisseront-ils aux « Occidentaux » le loisir de se préparer ? Et ceux-ci le feront-ils assez vite ? Et les Américains auront-ils une parcelle de cette lucidité politique qu’on leur cherche en vain depuis dix ans ? (Je viens encore de relire quelques unes des prophéties de Drieu : c’est assez saisissant).Cette façon d’envisager Munich comme une pause, qu’il fallait mettre à profit pour se préparer, était celle de Robert P. [Poulet?] (et, je crois bien, des maurrassiens). Je vous avoue tout de suite que, pour moi, pacifiste absolu et anti-nationaliste, j’y voyais plutôt une occasion de faire la paix (et l’Europe) avec l’Allemagne. Mais je doute que la chose soit possible aujourd’hui – à supposer qu’il y ait un « Munich » coréen. Entre l’URSS et les USA, l’incompatibilité est totale. Ce sera l’une ou les autres – et vraisemblablement l’une, hélas (bien que les autres ne soient pas tellement plus sympathiques, après tout).

Avez-vous lu l’annonce de la mort de Shri [Sri] Aurobindo, l’un des trois ou quatre grands Indiens ? Avez-vous vu que, sans être embaumé, son corps reste intact ?

Je vous serre la main.À demainGérard