Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Claude Elsen à Jean Paulhan, 1957 Elsen, Claude (1913-1975) 1957 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1957 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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lundi soir [1957] Mon cher Jean,

Il paraît que, lorsqu’on me voit pour la première fois, on me trouve l’air « hautain » - ou plus précisément « prétentieux ». Chaque fois qu’on me l’a dit (après coup, en reconnaissant que c’était une illusion d’optique), je suis tombé des nues. Il paraît de même, et votre mot le confirme, que Moucky donne aisément l’impression d’être « distante » – ou plus précisément « désinvolte ». C’est aussi faux et peut-être même davantage, et nous surprend autant. Mais n’avons-nous pas tous, ainsi, ou presque tous une apparence qui trompe ?Bref, il serait un peu bête de vous dire la manière dont Moucky parle de vous, et qu’elle vous porte une affection au moins égale à la mienne. Il faut pourtant que vous sachiez que votre mot lui a fait de la peine… Ce qui se traduit, dans le langage dont nous usons entre nous, par : « Tu diras à Jean qu’il est bête, et que je lui en veux... »Voilà qui est fait.

Dommage que Lily P. [Pilotaz] n’ait pu donner suite à son projet de nous recevoir ensemble à Gilly, cet été. Ç’aurait été, je crois, bien agréable. Mais en juillet et ce début d’août, la maison était envahie par la famille, les Bernson, Mme Naamé, etc. – et pendant notre séjour (de dimanche prochain au 4 ou 5 septembre) Lily elle-même ne sera là que fugitivement, entre deux séjours à St-Tropez [Saint-Tropez].Nous nous verrons donc, vous et nous, en septembre, avenue de Camoëns – et nous vous attendrons à partir d’octobre à Janville (il y a à peine une heure de voiture ou de train). Nous voudrions savoir, entre temps, que vous allez bien.

Pour le Livre des qques-uns [Livre des quelques-uns ], vous avez sans doute raison. On est souvent mauvais juge, s’agissant des livres de ses amis – et surtout, je crois, lorsqu’ils vont trop dans le sens de ce qu’on pense soi-même (c’est le cas). Le mien (de livre) avance assez bien. Ses thèmes ne sont pas tellement éloignés de ceux du Livre des qques-uns [Livre des quelques-uns ] ou de la très belle Lettre à un ami lointain de Cioran, que je viens de lire dans la nrf [Nouvelle Revue Française ] – mais traités sur un mode plus subjectif, plus familier, moins « oraculaire » si j’ose dire. Cela tient à la fois du journal intime et, pour reprendre une formule de Cioran qui me plaît assez, du « pamphlet sans objet ». J’espère l’achever à Gilly et en septembre, avant de me remettre en quête de besognes alimentaires. Vous serez son premier lecteur, en tout cas.

À bientôt. Nous vous embrassons affectueusement et (pour Moucky) sans rancune…

Claude

Puis-je vous signaler qu’on a indiqué (à tort) dans la nrf [Nouvelle Revue Française ] qu’Attitudes anglo-saxonnes d’Angus Wilson a paru chez Gallimard (alors que c’est chez Stock) ?