1er février 52
Cher ami, bien que vous sachant absent je vous fais déposer ce mot chez vous le jour où paraît la riposte de Martin-Chauffier dans le Littéraire afin de prendre sans équivoque ma responsabilité.
J'ai été suffoqué le soir où j’ai lu votre pamphlet, les bras m’en tombaient, j’ignorais tout de cette opération qui vous transforma soudain en protecteur de ce que j’exècre le plus au monde : ces bandes de maurrassiens et de gringoiristes qui ont la haine aux yeux, le venin dans la bouche et qui poussent triomphalement le pays aux ordures.
On sait ce qu’il entre de paradoxe dans votre pensée. Mais tout de même, fournir à cette tourbe l’appui d’un pareil texte, d’autant plus pernicieux, d’autant plus exploitable qu’il contient, bien entendu, beaucoup d’exactitudes ! Faire cela à une époque où vous voyez de néo-nazismes renaître de toutes parts avec allégresse, en France, en Italie, en Allemagne ! Vous Paulhan, fournir cette couverture à des hommes que vous méprisez et dont toute l’attitude renie ce que vous êtes ! Non ce n’est pas croyable ! Je vous le dis avec véhémence et stupeur, en espérant que la lettre de Martin Chauffier vous inspire une réponse que j’attends et où vous traiterez comme ils le méritent ceux qui commencent à vous encenser.
Tristement
Pierre Brisson