Copie de la lettre de M. Pierre Brisson à Mr. Jean Paulhan
Bien que vous sachant absent, je vous fais déposer cette lettre chez vous le jour où paraît la riposte de Martin-Chauffier dans le LITTERAIRE, ceci afin de prendre sans équivoque mes responsabilités.
J'ai été suffoqué le soir où j’ai lu votre pamphlet – les bras m’en tombaient, j’ignorais tout de cette opération qui vous transforme soudain en protecteur de ce que j’exècre le plus au monde : ces bandes de maurassiens et de gringoiristes qui ont la haine dans les yeux, le venin dans la bouche et qui poussent triomphalement le pays aux ordures.
On sait ce qu’il entre de paradoxe dans votre pensée. Mais tout de même fournir à cette tourbe l’appui d’un pareil texte d’autant plus pernicieux, d’autant plus exploitable qu’il contient, bien entendu, beaucoup d’exactitudes, faire cela à une époque où vous voyez des néo-nazismes renaître de toute part avec allégresse, en France, en Italie, en Allemagne – vous, Paulhan, fournir cette couverture à des hommes que vous méprisez et dont toute l’attitude renie ce que vous êtes. Non ce n’est pas croyable.
Je vous le dis avec véhémence et avec stupeur et en espérant que la lettre de Martin-Chauffier vous inspirera une réponse que j’attends et où vous traiterez comme il convient ceux qui commencent à vous encenser.
[Frappe de l’époque, faite pour la mise au net du manuscrit très raturé, par les soins, sans doute du secrétariat de Pierre Brisson ?]
[M. Mme Lucien Miallet, donne copie à B. Baillaud]