Nous avons grand froid, grand vent, je suis sortie ce matin pour faire plusieurs choses. J’en ai fait une seule et je suis rentrée au chaud en hâte.
Cependant je sors ce soir à l’opéra. Mais je mettrai mon manteau le plus chaud et Ernest, mon chauffeur américain est toujours à la porte tout comme mon Jean de Ville d’Avray, à la maison, au théâtre.
Non – je n’ai pas écrit de poème. Mais Noël approche et je pense beaucoup – sans insister d’ailleurs.
Je n’ai rien entendu de Jean Dubuffet, je n’ai pas répondu à sa lettre où il m’annonçait qu’il avait rompu avec vous. Je n’avais pas envie de répondre. Alors il est probablement brouillé avec moi maintenant. Mais qu’importe. Je suis tellement occupée que je n’aurais pas pu lui donner beaucoup de temps. Je vois déjà trop de monde.
Wallace Stevens m’a dit que l’Art Brut ne l’intéressait pas trop, il aimait mieux ses
C’est bien d’avoir trouvé un traducteur pour les 3 vol. de Musil. Ce sera difficile. Il – Musil – m’a dit à Ville d’Avray : Quand je mets un und (et) j’ai une raison qu’il faut respecter. Et achevez de persuader Gallimard.
Je suis bien contente que l’artane soir arrivé. Vous aurez un autre envoi dans le courant du mois prochain. Je suis encore plus contente que ce médicament mystérieux, un peu effrayant, fasse du bien à Germaine.
Wallace Stevens a fait paraître un bouquin « L’ange nécessaire » - en prose cette fois – des essais, ses conférences ; sa dernière conférence où il parle des philosophes, des poètes, de Jean Paulhan, de Jean Wahl n’est pas dans ce volume. Je l’ai lu en manuscript [sic] avec grand plaisir, W. ST. est artiste, intelligent et mon très grand ami. Vous recevez « l’ange ».
Marianne Moore viendra ce matin (je continue ma lettre, commencée hier soir) pour déjeuner. Nous irons à une matinée ensemble pour entendre « Don Juan in Hell » de Shaw. J’aime être avec M. M., elle s’intéresse à tout, elle m’aime bien, elle aussi.
Allen Tate est professeur dans Université du Wisconsin. Il est heureux, il est devenu catholic [sic] fervent, sa femme
Peut-être essayerai-je de traduire quelque chose – je pense souvent à nos réunions à Ville d’Avray, à Chatenay, nous discutions les traductions, nous cherchions le mot juste, souvent Germaine le trouvait. C’était l’époque heureuse de ma vie, pour Harry aussi. C’était lui le plus difficile et tellement content quant il trouvait le problème résolu.
Sancier m’a écrit et j’ai répondu. Je n’ai rendu aucun livre à personne – et je ne sais pas qui et comment quelqu’un a pu avoir le livre de Jouhandeau.
Oui j’aurais bien voulu voir – avec vous l’exposition des impressionnistes à Paris. Peut-être leur grand intérêt pour moi était leur intention d’éviter les règles de la perspective. Jamais je n’ai pu m’y intéresser, cela me semblait humiliant de penser à ces règles en peignant. Peut-être les Allemands ont-ils choisi justement les tableaux qui montrent clairement cette intention. Ce sont eux – les Allemands – les moins disciplinés entre tous. Les règles, ils les inventent, toujours des nouvelles, parce qu’au fond ils aiment les désordres (et je veux dire désordres au pluriel)
A New York au Musée de l’Art Moderne il y a une exposition de Henri Matisse. J’y suis allée plusieurs fois. Quel chercheur. Jamais 2 tableaux ne se ressemblent, il y en a de ravissants. C’est très bien arrangé dans des belles salles.
New York est comme tous les ans à cette époque un peu fou, trente grands arbres
Moi je regardais tout cela de mon 9ème étage. Le soir pour aller à l’opéra en voiture, une affaire d’un quart d’heure, nous en avons mis presqu’une heure.
Je m’arrête de bavarder. Marianne Moore est à la porte. Je vous embrasse tous deux
Très affectueusement
Merry Christmas – Happy New Year
from Barbara Church