Il est 11h20, et, disent les gens compétents, le moment de l’entrée du printemps. C’est vrai aussi pour les autres, il fait tiède dehors et dedans, un ciel sans nuages qui semble promettre avec assurance que l’hiver est parti.
Assez curieux que dans la Guinée, le soleil semble absent, je me rappelle cependant les journées grises d’Assouan étonnantes, un peu effrayantes.
Oui, j’aurais voulu voir une lettre de là-bas de vous, encore plus j’aurais voulu faire ce même voyage avec vous. Qui est Pilotaz ? Devrais-je le connaître ? Et je verrai le caméléon en Juin, s’il a survécu sa nostalgie. Vous me direz aussi de longues histoires, n’est-ce pas sur les Foules, les singes, les rats palmistes, les jeunes filles noires et merveilleuses, tall tales comme nous disons ici.
Et je suis si contente que vous avez vu tout cela et il ne faut pas dire « n’y pensons plus », au contraire, pensons-y et rêvons. C’est un bon exercise [sic] en tout temps, mais surtout quand le quotidien, l’ennuyeux pèsent. J’en use – peut-être j’en abuse.
Merci de m’avoir envoyé la « Lettre aux Directeurs de la Résistance ». Je l’ai lu [sic] d’un trait, debout, en train de sortir quand le courrier est arrivé. Monique Polgar a fait la même chose chez moi et, dit-elle : « Comme il sait dire les choses simplement, magnifiquement. Politiquement je ne suis pas toujours d’accord, moralement si, et il m’aplatit. » Je cite et il faut ajouter qu’elle est en N. S. A. pour faire voir aux citoyens américains la France sous son plus bel aspect.
Merci de me l’avoir envoyé, merci pour la dédicace.
Et je suis de votre avis, défendez-vous bien…
Je regrette que l’artane ne soit pas arrivé. Mon pharmacien m’a montré le reçu de la Poste (Air Mail), l’avion est parti et revenu, c’est peut-être la Douane française qui ne veut pas le rendre. Ou bien il viendra, ce coli, avec retard sans explication.
En tout cas j’en ai fait faire un autre envoi et quand je viendrai j’apporterai moi-même le double. Je pense qu’il n’y ait [sic] pas d’inconvénient à le garder.
Et j’espère, comme toujours, que Germaine trouve du soulagement, je pense si souvent à elle avec amitié, avec compassion, avec un immense désir de faire quelque chose pour elle.
J’attends mes invités – que vous connaissez tous, plus ou moins, j’aimerai [sic] tant vous attendre aussi. Marianne Moore – Wallace Stevens – les 2 Sweeney – les 2 Dubuffet – la comtesse Nelly de Vogüé (la connaissez-vous ? Elle est ici pour trouver des gens qui s’intéressent ou s’intéresseraient à sa nouvelle revue « Revue Libre ». Je l’ai vu [sic] chez moi, elle est charmante de sa personne. Je ne crois pas que je m’intéresse tant à sa revue.)
Nous aurons un très bon déjeuner – Suzanne est une artiste – nous boirons du vin rosé d’Anjou et nous parlerons de « poetry », de la dernière exposition de J. D. chez Pierre Matisse, réussie à beaucoup de points de vue et nous regarderons, nous écouterons la Comtesse. Cela vaut la peine, elle est jolie, elle parle bien et l’anglais et le français. Savez-vous que J. D. fait une conférence à Chicago, en anglais, qu’il a écrit [sic] lui-même, et bien, la préface en anglais de son catalogue ?
Je ne connaissais pas la Comtesse de Paris, c’est Wallace Stevens qui m’a demandé de la voir, d’être « courtoise » à sa place à New York. Un ami lui avait recommandé un ami qui se trouvait à Paris pour quelques mois.
Bien des choses aimables, affectueuses à tous deux