Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Barbara Church à Jean Paulhan (22 décembre 1958) Church, Barbara (1879-1960) 1958-12-22 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1958-12-22 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)<br />
PLH_120_020699_1958_18
Français
Le 22 Décembre 1958

10h du soir

Cher Jean

La maison, mon appartement, c’est Noël en plein déjà – un arbre comme je n’en ai jamais eu – Suzanne est une artiste en tout genre – j’aurai un réveillon comme tous les ans – nous serons 11 – avec une place réservée pour le voyageur inconnu qui pourrait arriver – Suzanne m’a entendu raconter cette coutume bavaroise, ravie de l’histoire, elle insiste pour continuer à New York, Park Avenue.

Nos arbres de Park Avenue sont tous allumés, il y en a un, le plus beau sous ma fenêtre, éclaire ma chambre jusqu’à une heure du matin – la ville coupe le courrant [sic] à cette heure, ne laisse que l’étoile de la cime allumée jusqu’à l’aube.

Je suis sentimentale, l’Amérique fait tout autour de Noël pour m’encourager.

J’espère que la petite Claire va bien maintenant, que son bras guérit, je regrette que vous ne vous sentez [sic] pas bien, finissez vite votre livre, si cela doit vous guérir.

Dites à Germaine toute ma sympathie, toute mon amitié.

Je lirai la N. R. F. encore plus attentivement – je la lis toujours – pour m’indigner [ ?] avec tout le mondeVoir Jean Wahl, « Autres pages de journal », Les Temps modernes, octobre 1958, pp. 755-762, où il s’attaque aux « poètereaux » Char et Ponge. Sous le titre « Polémiques et violences », la Nouvelle Revue française de janvier 1959 publie une « tonitruante réplique » de René Char, pp. 153-155. Voir D. Janicaud, Heidegger en France, Albin Michel, 2001, p. 177..

Je sais que Jean Wahl aime attaquer, ses attaques ne sont pas fines – à New York un jour Harry est entré en grande colère contre lui, il avait dit des choses désagréables et pas vraies sur Ransom, l’éditeur de Kenyon ReviewJohn Crowe Ransom (1888-1974), professeur, critique littéraire et théoricien réputé, poète, essayiste, rédacteur en chef de The Kenyon Review, qui fit connaître entre autres Ford Madox Ford, Flannery O’Connor, Boris Pasternak, Bertolt Brecht, Dylan Thomas, Derek Walcott, Thomas Pynchon…, un ami de Henry, un homme fin, charmant.

Il avait comme tous les universitaires aidé J. W. en Amérique quand il en avait besoin. Harry lui avait dit, à J. W., qu’il ne lui parlerai [sic] plus, si dans quelque revue, ses injures paraitrontJean Wahl (1888-1974) s’est réfugié de 1941 à 1945 aux États-Unis où il enseigna, après s’être échappé du camp de Drancy. Il fut l’un des traducteurs de Wallace Stevens en français. Voir le compte rendu par J. Wahl des Selected Poems de John Crowe Ransom (New York, Knopf, 1945), in The New Republic, CXIII, August 13, 1945, pp. 196-198. Une lettre de Henry Church à Allen Tate, du 26 août 1945, fait allusion à la « démolition » du livre par J. Wahl. Voir Glenn C. Arbery, “ Our Cousin, Mr Stevens ”, Modern Age, Spring 2014, vol. 56, n° 2. [sic].

[sur le côté gauche]

J’aime que vous vous plaisez [sic] avec les AllemandsEn novembre 1958, J. Paulhan voyage en Allemagne avec Jean Fautrier, auquel une exposition rend hommage au Städtisches Museum de Leverkusen (novembre-décembre 1958). L’IMEC possède un projet de causerie de J. P. sur Fautrier pour le musée de Leverkusen, rédigé en août 1958 (source : Claire Paulhan). – ils sont attachants – et insupportables avec leurs complexes – j’aime bien y aller, en Allemagne, surtout en Bavière – pour un court séjour.

Je ne sais si J. W. a renoncé ou non. En tout cas je n’en ai jamais entendu reparler. Je sais qu’il est arrogant, exigeant mechamment [sic].

Je n’aimais pas beaucoup qu’il me demande de lui envoyer la voiture pour la gardenparty [sic], quand moi j’avais besoin de Jean. Dailleurs [sic] j’ai refusé et je ne l’ai plus invité.

Il fait hiver, très beau, un ciel clair – j’aime le froid de N. Y. Cette après-midi une promenade en auto vers l’Ocean [sic] fut une merveille, les mouettes par milliers, des couleurs ravissantes, un coucher de soleil comme un rêve – la lune se levait de l’autre coté [sic] – or et argent invraisemblable – j’en étais toute emue [sic].

La radio chante des chansons de Noël en espagnol, je lis Pasternak. Nous n’avons pas de journeaux [sic]Une grande grève des livreurs de journaux affecte New York en décembre 1958.. Sauf le Wall Street Journal très bien fait d’ailleurs –

Les pilotes des avions font aussi la grèveL’année 1958 est marquée aux États-Unis par de nombreuses grèves de pilotes, dont certaines sont très dures (plus d’un mois). Elles sont liées aux inquiétudes en termes d’emploi et de qualification que suscitent les nouveaux modèles d’avion, sans doute aussi à une législation ancienne conçue à l’origine pour réglementer les conditions de travail dans les chemins de fer. En novembre et décembre 1958, TWA, Eastern, American, sont touchées par le mouvement..

J’espère cependant que cette lettre vous arrivera.

Encore mes vœux, mon amitié,

Barbara

[Carte portant une illustration chinoise, légendée au verso]

Boy Riding Ch’i lin (a fabulous animal of good omen)

Embroidery in colored silks and gold thread. Chinese late XVIII or early XIX century.

The Metropolitan Museum of Art

Anonymous Gift, 1946