10h du soir
La maison, mon appartement, c’est Noël en plein déjà – un arbre comme je n’en ai jamais eu – Suzanne est une artiste en tout genre – j’aurai un réveillon comme tous les ans – nous serons 11 – avec une place réservée pour le voyageur inconnu qui pourrait arriver – Suzanne m’a entendu raconter cette coutume bavaroise, ravie de l’histoire, elle insiste pour continuer à New York, Park Avenue.
Nos arbres de Park Avenue sont tous allumés, il y en a un, le plus beau sous ma fenêtre, éclaire ma chambre jusqu’à une heure du matin – la ville coupe le courrant [sic] à cette heure, ne laisse que l’étoile de la cime allumée jusqu’à l’aube.
Je suis sentimentale, l’Amérique fait tout autour de Noël pour m’encourager.
J’espère que la petite Claire va bien maintenant, que son bras guérit, je regrette que vous ne vous sentez [sic] pas bien, finissez vite votre livre, si cela doit vous guérir.
Dites à Germaine toute ma sympathie, toute mon amitié.
Je lirai la N. R. F. encore plus attentivement – je la lis toujours – pour m’indigner [ ?] avec tout le monde Les Temps modernes, octobre 1958, pp. 755-762, où il s’attaque aux « poètereaux » Char et Ponge. Sous le titre « Polémiques et violences », la Nouvelle Revue française de janvier 1959 publie une « tonitruante réplique » de René Char, pp. 153-155. Voir D. Janicaud, Heidegger en France, Albin Michel, 2001, p. 177.
Je sais que Jean Wahl aime attaquer, ses attaques ne sont pas fines – à New York un jour Harry est entré en grande colère contre lui, il avait dit des choses désagréables et pas vraies sur Ransom, l’éditeur de Kenyon ReviewThe Kenyon Review, qui fit connaître entre autres Ford Madox Ford, Flannery O’Connor, Boris Pasternak, Bertolt Brecht, Dylan Thomas, Derek Walcott, Thomas Pynchon…
Il avait comme tous les universitaires aidé J. W. en Amérique quand il en avait besoin. Harry lui avait dit, à J. W., qu’il ne lui parlerai [sic] plus, si dans quelque revue, ses injures paraitrontSelected Poems de John Crowe Ransom (New York, Knopf, 1945), in The New Republic, CXIII, August 13, 1945, pp. 196-198. Une lettre de Henry Church à Allen Tate, du 26 août 1945, fait allusion à la « démolition » du livre par J. Wahl. Voir Glenn C. Arbery, “ Our Cousin, Mr Stevens ”, Modern Age, Spring 2014, vol. 56, n° 2.
[sur le côté gauche]
J’aime que vous vous plaisez [sic] avec les Allemands
Je ne sais si J. W. a renoncé ou non. En tout cas je n’en ai jamais entendu reparler. Je sais qu’il est arrogant, exigeant mechamment [sic].
Je n’aimais pas beaucoup qu’il me demande de lui envoyer la voiture pour la gardenparty [sic], quand moi j’avais besoin de Jean. Dailleurs [sic] j’ai refusé et je ne l’ai plus invité.
Il fait hiver, très beau, un ciel clair – j’aime le froid de N. Y. Cette après-midi une promenade en auto vers l’Ocean [sic] fut une merveille, les mouettes par milliers, des couleurs ravissantes, un coucher de soleil comme un rêve – la lune se levait de l’autre coté [sic] – or et argent invraisemblable – j’en étais toute emue [sic].
La radio chante des chansons de Noël en espagnol, je lis Pasternak. Nous n’avons pas de journeaux [sic]
Les pilotes des avions font aussi la grève
J’espère cependant que cette lettre vous arrivera.
Encore mes vœux, mon amitié,
[Carte portant une illustration chinoise, légendée au verso]
Boy Riding Ch’i lin (a fabulous animal of good omen)
Embroidery in colored silks and gold thread. Chinese late XVIII or early XIX century.
The Metropolitan Museum of Art
Anonymous Gift, 1946