[1933] Mon cher ami,
Voici la note sur Chardonne. Si vous la jugez trop sommaire, ne l’imprimez pas, mais ayez la complaisance de m’en avertir, afin que je puisse en disposer autrement.
Je suis bien gêné pour vous répondre au sujet de Gobineau. Quand je l’ai lu, il y a une quinzaine d’années, je me suis certainement amusé, en moi-même, à « souffler » mes sentiments. Admirer, sinon découvrir, un écrivain méconnu, c’est un signe d’aristocratie intellectuelle. Mais maintenant que je n’éprouve plus ces petites vanités de jeunesse, je me demande ce que j’aimerais à dire sur lui. Je le juge toujours, dans ses meilleurs récits, aussi captivant que Mérimée ; il y a de belles pages descriptives dans ses voyages et un charlatanisme souvent entraînant dans des œuvres scientifiques. Mais tout cela, on le sait aujourd’hui. Je crains qu’un numéro entier consacré à lui ne vous oblige à accueillir des redites et des jugements inexacts. Et faute de savoir comment m’en acquitter, pour ma part, sans me déjuger, je préfère m’abstenir.
Je vous envoie mes souvenirs fidèles et mes vœux
Jacques de Lacretelle