Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'Armand Robin à Jean Paulhan (1958) Robin, Armand (1912-1961) 1958 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1958 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français
[1958] Je ne veux pas offenser les boeufs du Nivernais, Boeufs honorables, boeufs honorés, boeufs bien nés ; A Pougues les Eaux, quand j’y ai vécu, Ils furent ma consolante famille, nul ne l’a su. Puis la Nièvre est un département charmant ; Les coteaux y sont comme les vallons, par moments. Donc je n’encornerai qu’un seul boeuf du Nivernais, Le seul vilain boeuf qu’on aît vu au Nivernais. Ce vilain boeuf s’appelait François Mitterand Et tous vous diront qu’il avait l’air très méchant. C'est qu’il était boeuf et ne savait pas qu’il était boeuf ; Ce boeuf avait fureur de ne pas être boeuf. Quand un ami, par exemple, lui disait : « Malheureux « François, vous êtes boeuf! » Il était coléreux. Il n’aimait pas du tout l’humilité de l’herbe ; Il reprochait à l’herbe de n’être pas superbe. Les autres boeufs se courbaient vers l’herbe, eux ; Et l’herbe faisait tout pour les rendre bons herbeux. Mais lui, je vous l’ai dit, c’était un méchant boeuf ; Aucune herbe, c’est naturel, n’aimait un tel boeuf. Tout cela sera conté pendant des siècles dans le Nivernais D'herbe en berne, de boeuf à boeuf, de Nivernais à Nivernais. Mais il n’y a pas que l’histoire du mauvais boeuf Avec l’herbe ; il y a l’histoire des filles avec le mauvais boeuf. Les filles, c’est connu, ne recherchent pas les boeufs ; Et même, c’est connu, elles ne disent rien aux boeufs. Mais ce boeuf-là, je vous l’ai dit, ne savait qu’il était boeuf ; Il s’en vint vers les filles sans savoir qu’il était boeuf. C'est prosaïque à dire : toute fille fut vache. L'une d’elles frappa le boeuf à grands coups de cravache, Lui faisant rare honneur, car les coups de cravache Sont pour les chevaux ; elle avait, dans sa tache ; Fait une erreur sur l’animal ; elle aurait dû penser : « Il ne sera jamais cheval, même fouetté ! » Tout cela conté pendant des siècles dans le Nivernais, De vache à vache, de fille en fille, de Nivernais à Nivernais. O malheureux François : Dans les mémoires tu resteras mauvaise herbe ! O malheureux, malheureux François Avoir vécu vivre mauvais boeuf et finir mauvaise herbe ! O malheureux, malheureux, malheureux François ! Dimanche 27 avril 1958.

Poèmes à suivre : « LE SIRE DES RONDELLES » (Jacques duclos). « l’AMBASSADEUR DES GENS D'ARGENT » (l’ambassadeur soviétique). - « HOU ! HOU ! HOUOUH ! SUR HROU! » (Khrouchtchev).