Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Le Berger inconnu</em> Basire, Gervais (15..-1649) 1621 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1621_basire_berger-inconnu 1621 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856888r" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Gallica</a>
Français

À très illustre, et très vertueuse dame, Madame la présidente de la Fresnaye, Marie du Quesnoy.

Madame,

Ce n’est pas donner, que de venir reconnaître son obligation. Tout ce que je vous pourrai jamais présenter ne sera qu’une bien petite reconnaissance de ce que je suis redevable à votre maison. Recevez donc ce livre, comme un arrérage d’une dette, que l’insuffisance du créditeur ne vous saurait payer. Feu Monsieur le président de la Fresnaye, duquel vous avez épousé le digne fils, successeur de sa charge, et de ses vertus, avait tellement obligé mes services à sa mémoire, que je ne fais que chercher des personnes auxquelles à son défaut, je puisse témoigner le ressentiment que j’ai de sa belle amitié. Vous m’êtes venue la première à la rencontre, alors que j’ai fait dessein de donner à cette pastorale une robe à la mode du temps. Lorsqu’elle m’échappa premièrement des mains, elle ressemblait aux jeunes et innocentes filles, qui sont plus curieuses de voir que désireuses d’être vues et regardées. Et véritablement, si elle eût alors considéré ses défauts, elle n’eût pas donné la peine, ni à mes envieux de la blâmer, ni à mes amis de l’excuser. Et néanmoins qu’elle fût telle que je ne l’aie pu reconnaître sans rougir, elle n’a pas laissé de rencontrer des personnes qui l’ont superstitieusement aimée, jusque là d’avoir obligé le libraire qui l’avait fait imprimer d’en réitérer plusieurs fois l’édition. C’est ce qui m’a convié de la revoir, de la corriger, et de l’augmenter de quelques pièces, et suis assuré qu’elle serait maintenant plus digne du sanctuaire d’Apollon, qu’elle n’était premièrement du portail de son temple. Je vous l’amène en l’état que je l’ai mise, et désirerais volontiers qu’elle puisse autant acquérir de réputation entre les beaux esprits que vous avez fait d’honneur entre les plus vertueuses et belles dames de notre temps. Cette franchise et candeur qui, en ce siècle dépravé et corrompu, semble être demeurée en vous seule, me fait espérer que vous n’aurez égard au peu de valeur de la chose offerte, mais à l’affection de celui qui vous la présente. Dieu même, très bon et très grand, regarde plutôt nos cœurs que nos offrandes, et la volonté est la marque et le poids, qui donne la valeur à nos actions. Ce lui sera beaucoup de gloire d’approcher d’une si sage et parfaite dame, et plus encore si vous prenez la peine de lire le merveilleux succès de ses aventures. Un grand prince la fit devenir de bergère d’Arcadie, reine de Chypre. Et votre vertu et perfection pourrait, si vous portiez la houlette, faire que les princes voudraient se faire bergers. Sa fortune égala sa vertu, mais votre vertu devance de bien loin votre fortune. J’ai chanté son mérite en mes vers, mais je n’entreprends pas de dire ici le vôtre, reconnaissant que l’inégalité qui s’y trouve me rendra autant excusable en ce que j’en ai chanté, qu’elle me ferait coupable en ce que je ne pourrais dignement exprimer. C’est aux aigles à contempler le soleil, et à moi à me contenter de la qualité,

Madame,

De votre plus humble et affectionné serviteur,

De Bazire.