À nobles, vertueuses et dévotes religieuses sœur Anne de Montjoie, et sœur Marguerite de Montjoie, filles de feu noble et généreux seigneur Hubert de Montjoie, seigneur d’Évrehailles, Carnier Wasseige, etc., et de feue noble et généreuse dame Anne de Senzeille dame de Carnier, etc.
Voici la vie de sainte Aldegonde, vierge douée de tant de belles parties qu’un volume grossirait au déchiffrement de la moindre. Elle ne dégénéra jamais de son illustre noblesse, mais elle se montra véritablement noble et généreuse, se rendant maîtresse et non servante à ses grandes richesses qu’elle donnait d’une main si charitablement libérale qu’il semblait qu’elle n’en serait jamais assez tôt dépêtrée. Oserai-je glaner le champ de sa louange, où tant des doctes religieux ont recueilli tout ce qui était digne d’être rapporté en sa vie, qui est un tableau raccourci de tout ce qui peut ravir l’esprit en admiration ? Oserai-je, dis-je, aveugle que je suis au regard de ces lynx clairvoyants, enfoncer ma débile vue dans les rayons de sa glorieuse vie, pour y ébaucher une tragi-comédie ? N’était la dévotion que j’ai envers cette illustre et sainte princesse, je condamnerais ma plume à un perpétuel silence, me retenant dans les lisières de mon ignorance, attendu même qu’un docte père capucin va donner jour à un volume qu’il a tracé sur ce sujet. Les Anciens ne sacrifiaient [pas] toujours des hécatombes à leurs dieux : ceux qui n’étaient des plus huppés pouvaient montrer beaucoup de zèle par une petite offrande. C’est ce qui me donne courage de contribuer de mon petit talent aux louanges de cette vierge par cette petite poésie, qui à la façon du craintif poussin se met à garant sous votre protection, pour ne servir de proie à la dent de l’envieux, qui tâche en vain de ravir l’honneur et la réputation d’un chacun. Vos vertus luisantes comme un soleil dissiperont les nuages de la médisance pour éclaircir ce petit œuvre : petit à la vérité au regard de vos mérites qui prennent leur naissance en votre dévotion et s’appuient sur sa base de votre humilité. Sainte Aldegonde eut une sœur nommée Wautrude qui marchait de pair avec elle en dévotion, ayant secoué le joug de l’hymen. Vous êtes aussi deux sœurs n’ayant, comme il semble, qu’un même mouvement et qui vous êtes données entièrement à Dieu en la professe que vous fîtes passé trente ans dans le cloître de sainte Aldegonde de Huy, en un même jour et en même heure. Les poètes disent que Pollux fit part de son immortalité à son frère Castor. Ceci est plus véritable en vous deux qui, ayant laissé le monde, vous allez rendre plus heureusement immortelles. Cet œuvre vous doit donc être agréable puisque cette illustre vierge Aldegonde est votre patronne, et celle de Maubeuge où feue Madame Antoinette de Senzeille votre tante ayant été abbesse a laissé une soufflairante odeur de sa bonne et vertueuse vie, comme aussi a fait Madame sa sœur Catherine de Senzeille en son vivant prévôte d’Andenne, et comme vous ferez, lorsque votre époux Jésus-Christ vous ravira au Ciel chargées de palmes comme victorieuses en la bataille de la vie humaine. Toutes ces considérations me portent à vous offrir ce livret et à me dire,
Votre humble serviteur,
Denis Coppée.