À la sérénissime reine d’Angleterre, d’Écosse, et d’Irlande.
Madame,
Cette petite bergère va trouver une des plus grandes reines du monde, et quittant l’air du doux pays où vous avez pris naissance, voir celui que nos pères ont estimé le dernier de l’univers, où le bon génie du climat vous a conduite et appelée. Elle espère trouver place pour son séjour en cette Arcadie que la comtesse de Pembroke y a tant heureusement transportée, et trouver sa patrie bien loin de son pays. Et d’autant que les étrangers, et principalement ceux qui sont couverts d’habits simples et rustiques, comme elle, ne sont admis qu’avec difficulté dans les palais des grands princes et monarques de la terre, elle supplie votre Majesté que la langue en laquelle elle raconte ses aventures, qui est celle où vous avez été nourrie, et qui est le propre des sujets du roi très chrétien votre frère, lui serve de passeport et d’entrée. Elle a cru rencontrer en votre île plus d’heur et de sûreté qu’en toute autre province où le destin la pourrait conduire, tant pour les héroïques et royales vertus qui vous environnent, que pour s’être persuadée, suivant la créance commune, que les loups ne peuvent vivre en la Grande-Bretagne. Si son auteur n’eût pas été étonné des périls de la mer, et de la longueur du voyage, il fût allé vous la présenter lui-même. Il l’expose donc seule à la merci de l’océan qu’elle va traverser sous les auspices de votre nom glorieux pour, parvenue sur la Tamise, vous aller assurer qu’il est,
Madame,
Votre plus humble et affectionné serviteur,
De Bazire.