À sérénissime princesse Christine de Bourbon, princesse de Piémont.

Madame,

Voici une reine de Scythie, toute chargée de lauriers, qu’elle vous apporte. Elle m’a longtemps sollicité de la faire paraître dessus le théâtre, pour montrer au monde plus naïvement les justes ressentiments de son courage : je l’ai fait le mieux que j’ai pu, l’habillant à notre mode, et lui faisant parler français, afin qu’elle fût plus agréable à votre grandeur. Si vous êtes en peine de la reconnaître, c’est la vertueuse et tant renommée Tomyre, celle qui fit autrefois tant de veuves en Perse, et qui se vengea si généreusement du plus grand monarque qui fût alors. Elle a voulu voir la lumière, mais c’est pour demeurer à l’ombre de votre asile, et pour voir en vous l’abrégé des perfections de toute la terre. Elle ne craint qu’une chose : c’est que son discours ne vous importune, pour n’avoir peut-être toute la pureté que demanderaient vos oreilles . En cela vous la devez excuser, puisqu’elle est étrangère. Faites-lui donc bon accueil, Madame, et daignez prendre la peine d’ouïr ce qu’elle veut dire : ainsi vous ferez voir au monde que vous prisez plus les actions honorables des personnes vertueuses, que les dissimulations ordinaires d’un affecté langage ; que c’est triompher que de vous honorer ; et vivre heureusement, que de vous servir, comme je désire toute ma vie, en m’avouant, en quelle part que je meure,

Votre très humble, très fidèle et très obéissant sujet et serviteur,

Borée.