Transcription Transcription des fichiers de la notice - Poème de <em>Les Bergeries</em> Racan, Honorat de Bueil (1589-1670) 1627 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1628_racan_bergeries 1627 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
BnF Tolbiac-RES P-YF-573
Français

Chanson de bergers.

À la louange de la reine mère du roi.

Paissez, chères brebis, jouissez de la joie

        Que le ciel nous envoie ;

À la fin sa clémence a pitié de nos pleurs ;

Allez dans la campagne, allez dans la prairie ;

        N'épargnez point les fleurs,

Il en revient assez sous les pas de Marie.

 

Par elle renaîtra la saison désirée

        De Saturne et de Rhée,

Où le bonheur rendait tous nos désirs contents,

Et par elle on verra reluire en ce rivage

        Un éternel printemps,

Tel que nous le voyons paraître en son visage.

 

Nous ne reverrons plus nos campagnes désertes,

        Au lieu d'épis, couvertes

De tant de bataillons l'un à l'autre opposés :

L'innocence et la paix régneront sur la terre,

        Et les dieux apaisés

Oublieront pour jamais l'usage du tonnerre.

 

Le soin continuel dont son puissant génie

        Nos affaires manie,

Rend toujours leur succès conforme à son désir ;

Notre bonne fortune est par lui gouvernée,

        Et souffre avec plaisir

Que de si belles mains la tiennent enchaînée.

 

Son bonheur nous rendra la terre aussi féconde

        Qu'en l'enfance du monde.

À l'heure que le ciel en était amoureux ;

Nous jouirons d'un âge ourdi d'or et de soie,

        Où les plus malheureux

Ne verseront jamais que des larmes de joie.

Déjà ce grand soleil dissipant les nuages,

        Auteur de nos orages,

Épend de tous côtés sa lumière si loin

Que celui qui le soir se va coucher dans l'onde

        Voit bien que sans besoin,

Il en sort au matin pour éclairer le monde.

En nos tranquillités aucune violence

        N'interrompt le silence ;

Nos troubles pour jamais sont par elle amortis ;

Depuis les premiers flots de Garonne et de Loire,

        Jusqu'à ceux de Thétis,

On n'entend autre bruit que celui de sa gloire.

 

La nymphe de la Seine incessamment révère

        Cette grande bergère,

Qui chasse de ses bords tout sujet de souci;

Et, pour jouir longtemps de l’heureuse fortune

        Que l'on possède ici,

Porte plus lentement son tribut à Neptune.

 

Paissez donc, mes brebis; prenez part aux délices

        Dont les destins propices,

Par un si beau remède, ont guéri nos douleurs ;

Allez dans la campagne, allez dans la prairie ;

        N'épargnez point les fleurs.

Il en revient assez sous les pas de Marie.