À Madame des Loges.
Madame,
Puisque la France vous doit autant d’éloges que la ville d’Athènes en a donné à sa déesse, c’est bien justement que les plus beaux esprits de ce siècle estiment qu’il y aurait à redire à leur réputation si vous ne l’aviez approuvée, et que vous être inconnu n’est pas le moindre défaut que puisse avoir un honnête homme. Cette vérité que personne ne contredit me sollicite à rechercher cet avantage : non que je ne sache bien, que mon esprit qui n’a rien de bon que le désir de faire quelque chose digne de vous, sera possible estimé trop présomptueux de paraître devant vous avec si peu de suffisance. Toutefois, si j’ai la connaissance de ces belles qualités qui vous mettent si loin du commun, je ne suis pas en un tel degré d’ignorance qu’on me doive blâmer de leur rendre hommage. Tous savent, et c’est être étranger en son pays de l’ignorer, que les plus savants et les plus grands de ce royaume ne trouvent rien de préférable à la douceur de votre conversation. Et bien que je sois dépourvu de tout ce qui est nécessaire pour la mériter, et de ce qu’il faut avoir pour être mis au rang de ces hommes illustres qui nous enseignent le vrai chemin de l’éloquence, néanmoins si la peur de se perdre donne une hardiesse assez privilégiée par la nécessité à celui qui cherche un lieu pour se sauver, je m’assure que vous ne trouverez point mauvais que ma Climène, ayant envie de voir le monde, se mette en votre protection pour se garantir de la médisance. Je sais qu’elle est indigne de recevoir cette faveur de vous, et qu’elle ne la peut attendre que de votre bienveillance et non de son mérite. Aussi j’espère que vous permettrez que sa bonne volonté excusant ses défauts vous fasse recevoir le vœu qu’elle vous fait de son service, et vous assure que je suis,
Madame,
Votre très humble, et très obéissant serviteur,
C. S.