À la reine.
Madame,
Puisque les portes de votre palais s’ouvrent comme celles du jour à tout le monde, et que votre abord n’est pas plus difficile que celui des vertus, il faut que ma Dorinde suivant le destin de Madonte se donne encore à votre Majesté. Cette fille jalouse des félicités de sa sœur ne la peut voir à votre suite sans désirer sa gloire, et se fait croire qu’étant légitime comme elle, ses yeux auront la même force que les siens au milieu des lumières qui vous environnent. Quant à moi, j’ai trouvé cette passion si juste que pour les mettre en pareil avantage, j’ai passé sur tous les obstacles qui se sont opposés à mon dessein. Il est vrai, Madame, qu’à l’exemple des Anciens qui faisaient les images de leurs dieux d’un bois incorruptible, il ne faudrait présenter à votre Majesté que des ouvrages immortels, et lorsque l’on vous donne des louanges, on a de trop basses pensées si l’on a de moindres objets que celui de l’éternité. Tous les hommes n’ont pas appris l’art de toucher le feu sans se brûler ; il faut de grands secrets pour manier la pourpre, et l’on fait un mystère de travailler après une couleur qui doit servir à l’ornement des rois. Aussi tous ne sont pas capables d’écrire à l’honneur d’une reine qui sert de règle à toutes les plus belles âmes de la cour, et qui peut conter autant de miracles qu’elle a fait d’actions. Mais quoi, Madame, outre les grandes inclinations que j’ai de la nature à votre service, cette puissance même à qui vous obéissez m’oblige de ne plus penser à la postérité que pour parler à votre avantage ; ma bouche ne saurait parler que des grandeurs de votre nom. Et quoiqu’on puisse dire de mes vanités, il faut que tous mes fruits ainsi que la grenade soient dessous la couronne, et que je trouve enfin l’occasion de me faire avouer par les effets,
Madame,
De votre Majesté,
Le très humble, très obéissant et très fidèle sujet et serviteur,
Auvray.