À Uranie.
Je vous dédie cet ouvrage, chaste Uranie, sous ce beau nom emprunté, afin qu’après avoir publié vos perfections, tout le monde vous adresse ses vœux, comme à la déesse inconnue. Mais que dirai-je pour vous louer ? Vos cheveux noirs, portant toujours le deuil de la mort de leurs esclaves, sont autant de liens qui enchaînent ma plume, aussi bien que ma franchise, toutes les fois que je veux dépeindre le sombre éclat de leurs merveilles animées. Votre front où la jeunesse tient sa cour pour le défendre des rides, a tant de majesté que mon imagination n’en saurait retenir les idées, comme beaucoup plus parfaites que sa puissance. Vos yeux sont des cieux ouverts, d’où sortent mille charmes, et autant d’esprits amoureux, qui ravissent le mien d’amour, après l’avoir ébloui de leurs brillants appas. Je n’ose jamais penser à la grande perfection de la petitesse de votre bouche, de peur que la Justice et la Raison, qui prononcent leurs arrêts sur son trône de perles à deux sièges, ne condamnent ma témérité. Les mignardises de votre menton fourchu sont d’une nature si délicate qu’elles ne sauraient souffrir les louanges d’elles-mêmes. D’admirer seulement les lys et les roses de votre teint, j’appréhende que mes regards, comme trop profanes, ne hâlent sa beauté, de même que les rayons du soleil. Pour votre sein que je suis contraint de comparer à deux petites montagnes de neige, parce qu’elles couvrent un cœur de glace, je n’en ai jamais vu que la moitié au travers des grilles d’une prison de toile transparente, où il soupirait à intervalle de sa captivité. Je vous laisse à penser maintenant, si pour l’avoir vu à demi, j’en ai été charmé tout à fait, en quel degré de ravissement je serais élevé le voyant tout entier sans obstacle. Le reste de votre corps est une huitième merveille, dont on ne parle point, parce qu’elle n’a point de nom propre. Votre bel esprit n’a que ce seul défaut de ne pouvoir connaître sa perfection. Et toutefois cette impuissance le rend si parfait qu’on est forcé de croire que ses mérites sont sans nombre, aussi bien que sans limites. Je veux louer encore vos vertus, quoiqu’elles soient ennemies de mes passions, en publiant par tout le monde qu’il est rempli du bruit de votre gloire, comme étant la plus chaste de votre sexe, la plus belle de notre siècle, et la plus généreuse qui fût jamais. Voilà toutes vos qualités, chère Uranie, et voici tous mes titres :
Votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur,
P. D.