Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>La Doranise</em> Guérin de Bouscal, Guyon (16..-1657) 1634 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1634_bouscal_doranise 1634 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb393250520" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Arsenal 8-BL-14108</a>
Français

À très haute, et très vertueuse princesse, Mademoiselle Marguerite de Rohan.

Mademoiselle,

Le rang que votre naissance vous donne entre les plus grandes princesses du siècle, et le peu de mérite de mes vers, m’eussent sans doute diverti de vous offrir ce petit ouvrage, si je n’y eusse été forcé par une secrète puissance qui soumet toutes choses à votre empire. De sorte, Mademoiselle, que cela même qui semblait faire obstacle à mon dessein, ne me sert pas seulement de prétexte pour l’exécuter, mais m’assure encore que vous l’aurez agréable, puisqu’on ne se fâche que fort rarement d’être payé d’une mauvaise dette. Je sais bien, Mademoiselle, que l’avantage de votre extraction est le moindre de ceux que la nature vous a donnés, et que vous avez des grâces qui semblent avoir été inventées à dessein de vous faire admirer par-dessus toutes celles de votre sexe. Mais ce n’est pas cette connaissance qui me doit faire craindre ; au contraire, elle promet à mes bergers un accueil gracieux, puisque la parfaite vertu enseigne les moyens de pardonner ceux-mêmes qui sont indignes de pardon. Si cette espérance ne les déçoit point, Mademoiselle, je m’ose assurer qu’ils oublieront les sujets de plainte qu’ils ont contre moi de les avoir faits venir en France pour parler si mal français et, perdant le souvenir de leurs pays, avoueront que ceux-là seulement se peuvent vanter de vivre qui jouissent du bonheur de votre entretien, dont les moindres circonstances mériteraient la presse, et qui l’attirent après vous, pour faire voir en effet ce que l’Antiquité nous a laissé figuré sous le voile des fictions d’Ovide. Ce sera aussi parmi cette foule, Madame, et dans la contemplation de tant de raretés qu’ils béniront leur sort, en ce que ne leur ayant pas pu donner un savoir assez éminent pour vous plaire, il les a laissés dans une profonde ignorance, qu’ils espèrent les devoir rendre plus capables d’admiration. Et non sans quelque apparence, Madame, car celui ne trouvera pas si étrange de vous voir à un tel degré de perfection, et si absolue sur les cœurs des plus grands de la chrétienté, qui saura que vous êtes née de ce valeureux prince dont la vertu héroïque a su trouver de la satisfaction dans les plus sanglants revers de la fortune, dont la conduite mériterait l’empire universel, et qui règne aujourd’hui malgré l’injustice de son destin, là même où la liberté ne se laissa jamais forcer. Et c’est ici que je ferais une longue description des honorables marques qu’il a laissées à la postérité, pour conserver la mémoire de son nom, si je ne prenais garde que je ferais comme les louches, qui voulant trop soigneusement regarder quelque objet découvrent l’imbécillité de leur vue et que faisant un mauvais présent je serais encore de mauvaise grâce si j’étais avec des discours aussi longs comme mauvais. Je les finirai donc, Mademoiselle, après vous avoir très humblement supplié de me permettre de porter à juste titre celui de,

Mademoiselle,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

De Guérin.