À la reine.
Madame,
Si votre naissance n’était pas connue pour une des plus proches du Ciel que nous ayons, ou si vos perfections et vos vertus n’étaient également adorées de tous les peuples de la terre, autant parmi les nations qui reconnaissent votre sceptre et celui des vôtres, comme parmi celles qui doivent révérer la puissance de l’un et de l’autre, je m’efforcerais à l’exemple de ceux qui se sont donné la gloire d’adresser leurs ouvrages à votre Majesté de lui faire un panégyrique en cette épître. Mais outre qu’en ceci les meilleures plumes de France ont déjà devancé la mienne, c’est encore mon opinion qu’il est des louanges comme de l’encens et des plus rares parfums, dont l’abondance et la fumée ne laissent pas enfin de faire mal à la tête. De moi, si je me croyais assez habile homme pour oser entreprendre de vous louer, je vous assure, Madame, que vos couronnes, ni celles de vos ancêtres, qui composent ordinairement la plus grande partie du discours des autres, ne seraient que la moindre et la dernière du mien ; la hauteur du trône où vous êtes assise, et la splendeur qui vous environne, sont assez visibles d’elles-mêmes aux yeux des peuples les plus reculés de nous, puisqu’il n’est pas jusques à ceux dont les pieds regardent les nôtres, qui ne sachent que vous êtes nièce d’empereur, fille de roi, sœur de roi, et pour achèvement de gloire, très digne épouse du plus grand monarque du monde. C’est particulièrement de cette extrême bonté dont vous êtes si renommée, que je prendrais matière de vous louer, somme d’une qualité que les hommes donnent plus ordinairement à Dieu même, puisqu'entre les deux plus glorieux attributs qu’il en reçoit, celui de "bon" a toujours précédé celui de "grand". C’est cette divine qualité, Madame, qui me donne aujourd’hui l’assurance de présenter à votre Majesté ces deux étrangers, et qui me fait espérer pour eux autant de protection et de faveur d’une reine de France, qu’ils en reçurent autrefois d’une reine d’Épire. Ce mot seul doit suffire à vous les faire connaître pour ce même Périandre, et cette même Virginie à qui vous avez donné deux ou trois fois audience dans votre Louvre. Je les mets donc aux pieds de votre Majesté qui leur accordera s’il lui plaît la grâce d’y demeurer, et à moi la gloire de pouvoir dire en toute humilité que je suis,
Madame,
De votre Majesté,
Très humble, très fidèle, et très obéissant serviteur,
Mairet.