À la reine.
Madame,
Je ne suis ni le père, ni la mère de Sélidore, c’est un témoignage que la vérité me force de lui rendre. Sa modestie, sa fidélité, et l’innocence de son amour et de son humeur, avec la beauté de son visage, m’obligeraient à l’adopter pour mienne, si ma condition me pouvait permettre cette faveur et donner une telle licence. Ses parents dont le sang et la générosité ont laissé des marques éternelles à la mémoire, me firent voir cette chère fille dans les habits innocents des bergères, et me racontant sa fortune et les victoires de son amitié, je crus que tant de perfection méritait d’avoir part aux louanges et aux hommages, et que les Muses du Liban ne flétriraient point l’honneur de leurs cèdres, si je les divertissais un peu dessus les myrtes, qui n’ont rien de honteux et de profane. Je fis donc un bouquet à cette beauté, et priai les filles de mon Parnasse d’en avoir le soin, de ne farder pas néanmoins ce que la nature avait peint sur son visage, ce qu’elles firent avec tant de plaisir, quoiqu’on prît ordinairement Sélidore pour la dixième des Muses. Enfin, elle prit résolution de quitter sa solitude et de se présenter aux pieds de V. M. pour se donner entièrement à son service, ses amis se persuadèrent que cela lui réussirait et que V. M. la verrait de bon œil, et la défendrait des outrages de la calomnie. Toutes ces royales vertus qui font l’économie de votre âme feront un jugement de son mérite et ne la condamneront point d’aucune liberté fâcheuse, elle parlera mieux à votre Majesté, de laquelle je suis :
Madame,
De votre Majesté,
Le plus humble obéissant et affectionné sujet P. L. M.