Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Sélidore </em>par Sélidore<em><br /></em> Quenel, Léon 1639 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1639_quenel_selidore_dédicace-personnage 1639 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À la reine.

Madame,

Si les bocages ont eu le pouvoir autrefois de tirer les rois et les reines à leur silence, pour les délasser un peu de ce grand monde qui les suit, votre Majesté pardonnera facilement la liberté que je me donne, de l’oser entretenir du bon et du mauvais traitement que l’amour nous a fait dans nos villages. Ce n’est pas que je l’accuse d’avoir changé d’humeur pour nuire à mon repos, et à l’innocence de mes plaisirs, puisque c’est une propriété qui le suivra toujours. Mais seulement pour faire voir à votre Majesté que l’amour est autant capricieux dans les solitudes que dedans les villes, et ne méprise rien, pourvu qu’il en fasse le triomphe depuis les heureuses nouvelles, qui ont rempli de joie le ciel et la terre, et qui furent reçues en nos petits déserts avec un contentement extrême ; heureuses nouvelles qui nous apprirent que vous étiez mère d’un si beau dauphin, qu’il lui fallait nécessairement pour être tel un tel roi, et une telle reine, mes compagnes me dirent aussitôt que puisque la France possédait les mérites de toutes les grâces, et les délices de tout ce qu’il y a de beau au monde en ce seul enfant, qu’un jour il commanderait à l’amour de n’être point fâcheux aux belles ; on dit même que les Muses lui ont fait une guirlande de fleurs, et que le poète qui les vint divertir de rendre leurs devoirs à ce second Apollon, les a aussi obligées à lui présenter ce qu’elles ont toujours gardé pour les amours et pour les dieux. Je me donne aussi au service de sa Majesté, et bien que je paraisse dans le mépris de ces habits champêtres, j’ai néanmoins eu des pères qui sont morts au service de ses ancêtres, et qui n’ont jamais trouvé de plus glorieux triomphe que de verser leur sang sur les plaines au milieu des batailles pour la gloire de ces grands héros. Il me reste à demander une faveur à votre majesté, c’est qu’elle excuse Lusidan, il a reconnu sa faute, et n’a jamais ressenti plus de douleur qu’en la vue de son infidélité, m’oubliant pour un temps. Le Ciel l’a voulu ainsi afin qu’il eût sujet de me mieux reconnaître. Celle qui prie pour son amant n’a point de plus grand honneur que d’être,

Madame,

De votre Majesté,

La plus humble et affectionnée sujette,

Sélidore.