À Sylvie.
Ma chère Sylvie,
Je vous fais un mauvais présent, après l’avoir si longtemps différé, mais enfin il vaut mieux donner peu que rien du tout. Ce qu’on donne est toujours précieux quand il part du cœur, ou plutôt on ne peut plus rien offrir de précieux après avoir donné le cœur même. Vous savez combien absolument vous possédez le mien, et vous feriez tort à la plus véritable affection qui fût jamais, si vous doutiez de l’empire que vous avez sur moi. Ne recevez donc mon Alphrède que comme un divertissement d’une heure que je vous envoie ; si vous la trouvez belle, vous pourrez croire aussi que sa beauté est naturelle, que le théâtre ne lui en a point donné, et que les fautes de l’impression lui en ont beaucoup ôté : telle qu’elle est, elle est de moi. Et vous me souffrez assez de vanité pour que je crusse que tout ce qui en vient vous est agréable. Je vous parle sans artifice, comme vous voulez que soient nos entretiens, et comme sincèrement, et sans fard, je suis,
Ma chère Sylvie,
Votre très humble, et très fidèle serviteur,
Rotrou.