Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Le Jugement de Pâris</em> Sallebray 1639 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1639_sallebray_jugement-paris 1639 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À Mademoiselle de Clermont d’Entragues.

Mademoiselle,

La part que je prends à vos intérêts m’a fait renouveler la vieille querelle du prix de la beauté, et quoique votre modestie me défende de penser au droit que vous avez d’y prétendre, j’ai cru que je la pouvais combattre avec justice dans un sujet important à votre gloire. Pâris réforme aujourd’hui son ancien arrêt, non pas sur le mont Ida, où il ne vit que trois déesses qui pouvaient aspirer à la conquête de ce prix, mais dans cette ville fameuse qui se trouve honorée de son nom, où il en peut voir cent mille qui disputeront plus justement la préférence de leurs charmes. Il confesse que là, aussi bien qu’à la cour, il a vu plusieurs Junons dont la majesté lui a mis le respect dans l’âme, qu’il a vu quelques Minerves dont les vertus lui ont donné de l’admiration, qu’un nombre infini de Vénus se sont aussi présentées devant ses yeux avec tous les attraits que l’art et la nature leur ont pu fournir pour se rendre sa bouche et sa main favorables, mais il assure que vous êtes le seul objet en qui il ait remarqué cette majesté, ces vertus, et ces charmes que trois divinités les plus estimées de son temps ne possédaient que séparément. Ces grands avantages, Mademoiselle, qui vous rendent plus digne qu’elles des autels qu’on leur avait dressés, l’ont ravi d’étonnement, et tout honteux d’avoir si peu de chose pour tant de merveilles, il a cru qu’il n’y avait rien au monde digne de vous que vous-même, et que s’il vous offrait cette pomme, c’était moins pour le prix de la beauté que pour la marque glorieuse qui vous en fera connaître un des parfaits modèles. Quoique la passion n’ait pas aujourd’hui corrompu ce juge comme elle fit autrefois, je ne fais point de doute qu’il ne devienne encore l’objet de la colère de ces Junons, et des secrets ressentiments des Minerves dont il a frustré l’espérance. Mais je ne vois pas qu’il doive rien craindre si vous lui accordez l’honneur de votre protection, qui lui fera un bouclier impénétrable aux traits de leur vengeance. Il n’a rien fait pour vous en cette cause que ce qu’aurait fait Thémis si elle eût pu en être l’arbitre, mais il fallait des yeux pour bien juger des grâces dont le Ciel vous a pourvue, et sa charge l’oblige d’avoir un bandeau devant les siens. Quelques amants passionnés qui ne verront pas plus clair que cette déesse ne seront pas peut-être si prompts à louer le juste choix de mon berger, mais il est très certain que les moins intéressés, et qui se connaissent aux belles choses, seront toujours prêts à confirmer l’arrêt qu’il prononce en votre faveur par la voix,

Mademoiselle,

De

Votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

Sallebray.