À Mademoiselle de Bourbon.
Mademoiselle,
La renommée a parlé de votre beauté comme d’un abrégé de toutes les merveilles, mais ce qu’elle en a dit n’approche point des qualités incomparables de votre altesse ; le dessein qu’elle eut d’apprendre à l’univers les premières nouvelles de vos perfections lui fit perdre le temps qu’elle devait employer à vous bien considérer, de sorte que, pour trop entreprendre, elle donna des bornes à des grâces infinies, et les princes les plus éloignés l’accusent de n’avoir excité dans leurs cœurs qu’un désir de vous servir, lorsqu’ils devaient vous adorer. La France a toujours fait gloire d’humilier des monarques, mais depuis qu’elle vous a vu triompher, elle se contente d’admirer les conquêtes de vos yeux et de confesser que votre altesse est moins un miracle de la nature qu’un chef-d’œuvre du Ciel : l’une a de l’imperfection, et l’autre est sans défaut. C’est en cet achèvement qu’il paraît que vous tenez entièrement de votre origine. Et je vous nommerais sans pareille, si madame la princesse ne m’apprenait que vous êtes une autre elle-même, et qu’elle a partagé sa vertu pour vous en faire un glorieux apanage, dont vous jouissez si parfaitement que tout le monde ajoute à cette vérité, qu’une cause toute divine ne pouvait produire un plus noble effet, aussi tous les cœurs sont des temples où l’on sacrifie à votre gloire. Et ce héros n’est sorti de son pays qu’à dessein d’augmenter le nombre de vos adorateurs, et de se mettre en la protection de votre altesse : permettez qu’il vous approche sous le titre de l’innocent exilé. Sa disgrâce ne le touche point à l’égal de la crainte qu’il a de vous importuner du récit de ses aventures ; ses moindres exploits servent encore d’exemple, et l’on n’a jamais fait de faute en l’imitant ; il aima mieux obéir que de résister à son roi ; l’affection qu’il eut pour sa patrie causa son infortune, et sa constance aidée de la faveur d’un prince a fait voir à la Perse qu’elle ne pouvait assez reconnaître ses victoires ; après ce qu’il a fait pour justifier son innocence, il espère plus de son humilité que de tous ses combats. Et l’hommage qu’il vous rend au même instant qu’il vous demande sa grâce est un effet de son zèle et non pas de son ambition : soyez l’arbitre et le juge de sa générosité. Je ne pouvais mettre ses intérêts en des mains plus augustes et je ne l’eusse jamais entrepris sans la permission que vous m’en avez donnée, qui doit apprendre que je suis,
Mademoiselle,
De votre altesse,
Le très humble, très obéissant et très obligé serviteur,
Provais.