À Madame la duchesse de Longueville.
Madame,
Cette reine fut autrefois la plus belle et la plus vertueuse de son siècle, mais quelques beautés que la nature lui ait données et quelques vertus que le Ciel lui ait départies, on reconnaît aujourd’hui, en vous admirant, qu’elle ne fut pas la plus parfaite de sa race. Si elle vous précéda du temps, vous la surpassez en mérite. Le sang royal de Bourbon, dont elle est issue, servit beaucoup à relever la gloire de ses actions, mais il n’en est pas de même en vous : l’éclat dont on vous voit briller est purement vôtre, et c’est plus d’honneur à votre maison de vous avoir donné la naissance que ce ne vous est un avantage de l’avoir reçue d’elle. Toutefois, Madame, cette princesse, loin d’être jalouse de la splendeur qui vous environne et qui semble obscurcir la sienne, met son plus grand bonheur en sa défaite, et s’estime plus glorieuse de vous avoir pour parente que d’avoir porté la couronne d’Espagne. Recevez-la dans votre cabinet, et par un regard favorable, éloignez d’elle la timidité qu’elle ressent en s’approchant de vous, et dont elle n’avait point encore fait expérience, ni dans les assemblées, ni sur les théâtres, où elle a paru tant de fois si heureusement. C’est toute la grâce qu’elle vous demande, et c’est la seule prière que vous fait pour elle,
Madame,
De votre altesse,
Le très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur,
Regnault.