Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Clarimonde</em> Baro, Balthasar (1600?-1650) 1643 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1643_baro_clarimonde 1643 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À la reine Anne d’Autriche.

Madame,

Si Clarimonde se va jeter à vos pieds, ce n’est pas tant pour implorer la protection de Votre Majesté contre les attaques de l’envie, que pour vous rendre très humbles grâces de l’accueil qu’elle eut autrefois l’honneur d’en recevoir, et de la favorable attention que vous daignâtes prêter au récit que je vous fis de ses aventures. Que s’il plaît à Votre Majesté de jeter sur elle quelques regards seulement, j’ose me promettre que cette princesse, pour être moins jeune de quelques mois, ne lui paraîtra pas moins belle, et que les mêmes traits qui purent alors donner quelque satisfaction à vos oreilles pourront encore donner quelque contentement à vos yeux. Je sais bien, Madame, que son destin la soumet à la nécessité de courir tout le monde, mais ce qui la console dans cet accident qu’elle ne peut éviter, c’est que dans tous les climats où l’on voudra la forcer d’ouvrir la bouche, elle ne parlera jamais de la fortune sans avoir parlé des mérites de Votre Majesté, et sans avoir publié hautement que si la terre n’avait point de couronnes qui ne pussent être le prix de votre naissance, le Ciel n’en a point qui ne doive être le prix de votre vertu. En effet, Madame, comme si c’était renfermer votre bonté dans des limites trop étroites que de ne la mettre qu’au-dessus des personnes qui tiennent un superbe rang, on veut que vous triomphiez généralement de tout votre sexe. Et ce n’est pas assez de dire que vous êtes la meilleure princesse qui fut jamais, si l’on n’y ajoute en même temps que vous êtes la meilleure de toutes les femmes. Cette qualité toutefois n’est pas la seule qui vous fait estimer, elle est accompagnée des plus hautes perfections dont une âme puisse être enrichie ; et de quelques beautés que vous soyez redevable au sang dont vous avez tiré votre origine, on remarque aisément que les avantages que vous possédez doivent être nommés des effets de votre esprit, aussi bien que des présents de la nature. Parmi ceux-là, Madame, votre insigne piété doit être particulièrement considérée : aussi voyons-nous bien que c’est à elle que le Ciel a été comme forcé de se rendre, et que pour accomplir les vœux que nous avons mêlés durant si longtemps aux prières de Votre Majesté, il a fallu qu’il ait donné à la France deux princes qui doivent sans doute après avoir été les sujets de sa joie, être les appuis de sa grandeur. J’espère, Madame, que ces nouveaux astres ne brilleront pas d’une moindre splendeur que ceux qui leur ont communiqué la lumière. Au contraire, je suis assuré que ces princes, nés d’un monarque aussi juste que puissant, et d’une reine aussi sage que belle, ne conserveront pas seulement cet empire dans l’état florissant où nous le voyons, mais qu’ils enrichiront nos fleurs de lys des dépouilles du croissant, et mêleront leurs victoires aux fameux lauriers que nous avons autrefois cueillis sur les Infidèles. En attendant, Madame, que l’ordre des temps présente aux yeux de Votre Majesté l’ordre des miracles qu’ils doivent produire, je la supplie avec humilité de pardonner à la hardiesse que j’ai prise de lui consacrer cet ouvrage, et de croire que je n’ai jamais eu de plus glorieuse ni de plus forte passion que d’être,

Madame, de Votre Majesté,

Très humble, très obéissant et très fidèle sujet et serviteur,

Baro.