À Mademoiselle de Sous-Carrière.
Mademoiselle,
Tant de belles qualités que vous possédez devaient défendre à Roxelane, qui connaît ses défauts, de se présenter devant vous, si vos bontés, aussi connues que vos autres vertus, ne lui en eussent donné la hardiesse. Mais quand elle a su que vous étiez la protection de ceux qui en ont besoin, et particulièrement des muses qui vous en doivent leurs reconnaissances, elle a mieux aimé pécher contre la discrétion en se mettant en hasard de vous déplaire que contre son devoir en ne vous rendant pas les hommages qui sont dus à vos perfections. Si son choix est un effet de la témérité, il peut être aussi une marque de son jugement, puisqu’étant résolue de voir la France elle a crue avoir trouvé un Dieu tutélaire en vous, vous, dis-je, Mademoiselle, que toutes les personnes raisonnables révèrent, et en faveur de laquelle ils pardonneront aux mauvaises choses qu’ils y trouveront et donneront des applaudissements aux médiocres. Quoique l’ordinaire présomption de ses pareilles soit de prétendre à l’immortalité et de la faire espérer à ceux qu’elles honorent, elle a des sentiments assez modestes d’elle-même pour y renoncer, si votre nom pour lequel le temps aura du respect ne prolonge sa durée. Ainsi, Mademoiselle, bien loin de vous promettre cet avantage, elle l’attend de vous, et au lieu de croire contribuer quelque chose à votre renommée par les louanges qu’elle vous pourrait donner, elle espère augmenter la sienne par les devoirs qu’elle rend à votre mérite. En effet, comme on ne peut rien ajouter aux choses achevées, la nature ayant fait voir en vous une union parfaite de tout les avantages du corps et de l’âme. Il n’est point de plume si éloquente qui bien loin de rehausser votre gloire n’en diminuât l’éclat par son impuissance. Cette beauté merveilleuse, cet esprit incomparable, et cette grandeur de courage exemplaire et pourtant sans exemple ont cela de choses divines qu’on ne peut mieux exprimer l’estime qu’on en fait que par un respectueux silence. C’est pourquoi, Mademoiselle, puisque le respect que je vous dois l’ordonne, je me tairai après la protestation publique que je fais d’être toute ma vie.
Mademoiselle,
Votre très humble, et très obéissant serviteur,
Desmares.