Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>La Virginie romaine</em> Le Clerc, Michel (1622-1691 1645 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1645_clerc_virginie-romaine 1645 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À Madame la duchesse de Longueville.

Madame,

J’avais cru qu’après les travaux et les veilles de plusieurs années, je pourrais quelque jour aspirer à l’honneur d’offrir à votre altesse quelqu’un de mes ouvrages, et cette ambition quelque téméraire qu’elle fût, s’appuyant sur la bonté de la plus généreuse princesse du monde, ne me semblait pas mal fondée. Mais aujourd’hui que, non seulement contre toutes mes espérances, mais encore au-delà de mes désirs, vous permettez que mon coup d’essai paraisse sous la protection de votre illustre nom, mon bonheur me surprend de telle sorte que je ne sais ni comment le recevoir, ni de quelle façon vous en témoigner mes ressentiments. Je ne puis nier que la joie que j’en ressens ne soit extrême, et j’avoue, Madame, que c’est la considération de votre bienfait, plutôt que l’amour de mon ouvrage qui la fait naître, mais outre que plus ma bonne fortune est éclatante, plus elle est sujette à l’envi, je n’ignore nullement quelle conséquence elle tire après soi. Je sais fort bien, Madame, qu’être avoué de vous, c’est l’être de tout le monde. Tous les glorieux avantages de la plus haute vertu, tous les charmes de l’esprit, et toutes les grâces du corps ont fait en vous une si parfaite et si heureuse alliance pour vous rendre la plus grande merveille de notre siècle que quand bien on ne serait pas forcé par raison d’adorer vos sentiments, on serait obligé de les suivre par inclination. Vous êtes aujourd’hui la divinité tutélaire des muses, c’est à vous qu’elles rendent leur hommage tous les jours, tant pour reconnaître les bienfaits dont vous les comblez sans cesse que pour puiser dans votre esprit les vives lumières dont vous êtes la véritable source. Mais quoi, Madame, il faut que je tâche à soutenir cette approbation générale que vous m’avez procurée en pensant ne m’en donner qu’une particulière, et pour cela, il faut tant de choses qui me manquent que je ferai beaucoup si je ne succombe pas entièrement sous cette charge. Il se peut faire, Madame, que je me donne ici trop de vanité, et que la vertu de Virginie ayant touché celle que toute la cour admire en votre altesse vous donnez toute la faveur que vous lui faites à la considération de ses malheurs et non à celle de son auteur. Je le croirais, Madame, cette créance s’accommodant avec mon peu de mérite, si je ne craignais de passer pour le plus ingrat de tous les hommes en feignant de ne vous rien devoir. Je ne hasarde rien de croire que j’ai part aux faveurs que vous faites à cette illustre Romaine, puisque je lui ai servi d’introducteur auprès de votre altesse et qu’elle ne peut sans injustice me refuser quelque part aux biens qu’elle en reçoit. Et certes j’aurais sujet de la désavouer, si elle en usait autrement, surtout si toutes les fois qu’elle aura l’honneur d’arrêter les yeux de votre altesse elle ne la faisait souvenir du vœu que j’ai fait d’être toute ma vie,

De votre altesse,

Le très humble et très obéissant serviteur,

Le Clerc.