Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>La Folie du Sage</em> L'Hermite, Tristan (1601-1655) 1645 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1645_hermite_folie-sage 1645 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À son altesse royale.

Madame,

J’imite les sacrifices des Anciens en la qualité de cette offrande. Ils présentaient à quelques-unes de leurs divinités les choses qui leur étaient les plus contraires. Aussi, présentant cette tragi-comédie à votre altesse royale, j’offre une espèce de folie à une princesse qui peut passer pour la vivante image de la sagesse. C’est une vérité, Madame, si généralement reconnue qu’elle ne reçoit point de controverse, il n’y a personne qui ne sache que l’illustre sang de Godefroy est passé jusques à votre altesse sans aucune altération, et que vous en retenez aussi bien la piété que vous en conservez les armes. Votre altesse a fait dire d’elle dès sa plus tendre jeunesse qu’elle était une plante royale de la nature de l’héliotrope qui se tourne toujours vers le soleil. Vous avez toujours saintement considéré cette éternelle beauté dont la vôtre n’est que l’image. Vous avez toujours parfaitement honoré cette infinie source de biens où vous avez puisé tant de grâces. À cela, Madame, on peut dire qu’une grande et vertueuse princesse proche parente de votre altesse a contribué beaucoup de ses soins, vous ayant élevée à la piété en la propre maison de Dieu. Mais pour le finissement d’un si beau chef-d’œuvre, il n’a quasi pas été besoin de ces excellentes instructions, il a presque suffi de ses saints exemples. Votre altesse avait en naissant une si grande disposition au bien qu’elle a fait paraître une sagesse achevée en un âge où les autres personnes de son sexe ne font que commencer à l’étudier. Le divin auteur de toutes choses, ce grand ouvrier qui fait ordinairement épreuve de la bonté de ses ouvrages, lorsqu’il se propose de les élever, a visité bien exactement votre vertu par plusieurs années. C’est un or qu’il a voulu mettre à la coupelle des afflictions pour faire mieux connaître son excellence. Il a permis que votre altesse ait senti les peines que souffre une fidèle moitié lorsqu’elle est séparée de son tout. Mais après avoir fait durer cet orage jusques au point qu’il s’était proposé pour sonder la fermeté de votre âme, il a fait cesser la tempête. Il a tiré votre altesse du trouble à la tranquillité, et l’a faite passer d’un long ennui dans un paisible état de joie. Il semble même que sa bonté pour récompenser votre mérite a fait des efforts extraordinaires en cette heureuse conjoncture, et qu’elle n’a point voulu tirer votre altesse d’entre les épines, pour la faire marcher sur des roses, sans couvrir presque en même temps Monseigneur votre mari de nouveaux lauriers, afin que votre félicité fut plus complète, voyant couronner sa valeur aussi bien que votre constance, et vous trouvant tous deux triomphant, vous de la cruauté de la fortune, et lui des ennemis de cet État. Cette glorieuse expédition, fameuse par toute l’Europe, ne s’est point faite avec tant d’heur sans que la divine providence ait considéré vos saintes prières. Les vœux de votre altesse, Madame, ont obtenu des bénédictions pour ses armes. Votre esprit assiste de votre oratoire à tout ce que son courage fait de grand à la campagne. La France espère, Madame, qu’ensuite de ces grands progrès où votre piété prend part, vos altesses royales auront quelques fruits de leurs chastes affections, et qu’on verra naître de votre lit un nouveau support de cette couronne. Ce sera, Madame, une des récompenses de vos vertus, qui sera conforme aux souhaits que fait pour le comble de vos prospérités,

Madame,

De votre altesse royale,

Le très humble et très obéissant serviteur,

Tristan L’Hermite.