À la reine régente.
Madame,
Ce n'est pas sans raison que je présente cet ouvrage à Votre Majesté, puisqu'il est la peinture parlante d'une reine, dont le mérite a donné de l'admiration à toute la terre. Les rares qualités qu'elle posséda, forcèrent la politique de son pays de faire justice à son sexe, et changeant en sa faveur la forme de l'État, qui n'admettait que des hommes au souverain gou
Aussi ne gouverna-t-elle pas longtemps, sans faire avouer que si son sexe l'empêchait d'être au nombre des héros, sa vertu la mettait au rang des plus grandes âmes, et qu'enfin en un corps de femme l'on pouvait porter un cœur véritablement mâle et généreux.
Je ne veux pas toutefois, Madame, comparer cette héroïne à Votre Majesté, sachant bien que ces parallèles sont quelquefois si délicates, qu'en honorant les morts elles offensent les vivants, comme ceux qui croyant obliger leurs princes, les comparent à des César, et à des Alexandre, sans se ressouvenir que ces astres eurent leurs faux jours et leurs éclipses, et que si l'un choqua la liberté publique, l'amour obligea l'autre d'épouser au milieu de ses victoires la fille d'un satrape.
Je ne veux pas dire que Venda soit capable d'aucun faible. Mais, Madame, de quelque beau caractère que soit son esprit, je n'oserais croire qu'il ait été dans la même pureté du vôtre, et je puis seulement assurer que de quelques vives couleurs, dont l'on se serve pour faire cette peinture, c'est un tableau qui ne vous res
Ici, Madame, j'aurais lieu de m'étendre sur les vertus chrétiennes et morales que votre Majesté possède, si je n'avais peur de violenter votre modestie et d'ennuyer Votre Majesté par un discours, dont les triomphes de votre régence ont informé pleinement tous les peuples de l'Europe.
Il n'est personne, Madame, qui ne sache que c'est à votre piété que le Ciel donna le juste monarque que nous possédons, et qui n'avoue ensuite que les langues des hommes ne vous peuvent louer qu'imparfaitement, après que Dieu lui-même a fait votre panégyrique par ce miracle. Il faut donc, Madame, faire vanité de son silence, et n'exprimer que par son respect les augustes pensées que Votre Majesté nous donne.
Je sais bien, Madame, qu'après avoir reçu quelque approbation de Votre Majesté, que je n'ai point méritée, et dont je ne suis redevable qu'à votre seule bonté, je devrais faire effort pour vous en rendre grâces, mais craignant d'offenser votre générosité, qui se plaît à faire le bien sans en recevoir de louanges, j'aime mieux avouer que vous m'a
Madame,
De Votre Majesté,
Votre très humble et très obéissant, sujet et serviteur,
Gillet de la Tessonerie.