À Madame la princesse.
Madame,
J’appréhende avec raison de faire voir de l’audace en pensant vous montrer mon zèle. Mais il me semble que c’est une obligation publique de prendre part à votre joie, et que les grands et les petits sont également obligés de témoigner qu’ils la ressentent. En effet, Madame, puisque la réjouissance de votre maison est aujourd’hui un bien public, qui devient d’autant plus grand que plus de monde y prend de part, ce ne serait pas aimer son pays, ni enfin être bon Français, de ne se pas réjouir de cette action de justice qui vous rend un si grand prince, et qui nous le rend aussi bien qu’à vous. Mais puisque je n’ai pas cette éloquence qui sait si bien exprimer les ravissements de l’âme, c’est sans douter assez pour moi de me présenter devant votre altesse, et de vous dire du cœur tout ce que j’entendrai dire aux autres. Je m’efforcerai toutefois d’ajouter quelque chose à mon silence, et puisqu’on peut aussi montrer les ressentiments du cœur autrement que par la parole, j’emploierai pour les faire voir tout ce que je suis capable d’employer. Ainsi, je vous consacre mon travail, et pour en donner quelque marque, je prends ici la liberté de vous offrir cet ouvrage, qui n’a pas moins éclaté par ses propres beautés que par la réputation de son auteur. Il est de feu M. Baro, dont l’esprit a été capable d’achever le tableau fameux de l’incomparable Astrée. Je sais, Madame, ce qu’il aurait fait : il vous aurait présenté Cariste, et s’il pouvait encore parler, il vous dirait que la mort lui a beaucoup plus ôté en le privant de cet honneur qu’en le privant de la vie. Je supplie donc très humblement votre altesse de me permettre de mêler ce témoignage particulier aux témoignages publics de ravissement et de joie que l’on donne à votre retour. Ce m’est déjà un grand honneur d’avoir contribué quelquefois au divertissement de votre altesse, mais ce me sera quelque chose de plus grand que l’honneur même, si vous daignez mettre ce petit présent parmi les plus humbles devoirs, qui font connaître ceux qui sont, comme je suis,
Madame,
De votre altesse,
Très humble, très obéissant, et très affectionné serviteur,
A. de Sommaville.