À Madame d’Andigny.
Madame,
Ce nom que votre modestie vous donne cache une belle et une vertueuse personne, qui serait beaucoup plus connue par le nom ordinaire qu’elle porte. Comme votre vertu est publique, et que le monde a besoin d’exemples pour les imiter, il est sans doute qu’il faudrait que l’on sût à qui j’offre cet ouvrage, pour recevoir du lecteur l’applaudissement du choix que j’ai fait, mais ma joie en sera secrète, puisque vous le voulez. Il suffit que l’on sache que Madame d’Andigny
Qu’on ne me vante plus les beaux yeux de Philis
Qui, lassés de pleurer ce berger homicide,
En deux astres changés, qui nous servent de guide,
De leur nouvel éclat ont les cieux embellis.
Quand le dieu du sommeil nous couvre de ses voiles
Pour deux yeux seulement on montre deux étoiles,
Dont quelques feux brillants n’éclairent que de nuit,
Mais ceux d’Amaryllis, en ouvrant leurs paupières,
Font ce que le soleil forme par ses lumières
Et réparent le jour, quand le soleil s’enfuit.
Mais plus que ces beautés, qui ne sont que des ouvrages du hasard, et sujets à tous les accidents de la fortune, j’y remarque cette bonté et cette générosité, dont le principe est dans le cœur. J’y vois cette vertu qui est immortelle qui vit après les ruines du corps, et laquelle est comme la lumière qui donne du jour et
Madame,
Votre très humble, et très obéissant serviteur,
D. M.