À Madame la comtesse de Brancas.
Madame,
Puisqu’il est constant que sans la protection que vous avez donnée à cette comédie, elle n’aurait jamais vu le jour, il est juste qu’elle vous soit consacrée, et qu’elle rende publiquement ses hommages à celle qui l'a mise au monde. On s’étonnera sans doute de ce que, n’ayant produit que des merveilles jusques ici, par les avantages que le ciel a donnés à votre beauté, vous ayez daigné donner l’être a si peu de chose, et l’on s’étonnera plus encore de voir qu’une production si commune, vienne de la même source, d’où, s’il m’est permis de m’expliquer en poète dans une épître, on sent naître visiblement les grâces et les amours, mais qui ne voit pas, Madame, que le soleil qui produit les fleurs, et les plus rares merveilles de la nature, produit aussi les ronces et les plantes inutiles ? Et qui ne sait pas que ces productions si différentes, et dont l’inégalité paraît si visible ne laissent pas de faire admirer également la puissance de celui qui les a créées ? Vous aurez auGénéreux Ennemis, par tous les beaux sentiments que je leur donne ; comme leurs manières sont plus éloignées du bel usage que celle avec laquelle vous agissez, quelque éclat qu’ils tirent de mes pensées, je sais que leur générosité paraîtra moins que la vôtre. Aussi veux-je plutôt étaler ici ma reconnaissance que ma vanité : je n’en aurai que trop si vous approuvez mon zèle, et si vous ne dédaignez la passion qui me porte à vous dire ici que je suis,
Madame,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Boisrobert, abbé de Châtillon.