À Mademoiselle Marie de Mancini.
Mademoiselle,
Encore que je sache avec toute la France que vous n'êtes née que pour les grandes choses, et qu'il n'appartient qu'à ceux du sang dont vous sortez de mettre la dernière main à tout ce qui paraît impossible, et qu'ainsi, soit pour vous divertir, soit pour vous louer, on est toujours téméraire quoiqu'on ose entreprendre, je ne laisse pas, Mademoiselle, de vous faire un présent vulgaire en vous offrant cette comédie qui, quelque réputation qu'elle ait eu en prose, m'a semblé n'avoir pas tous les agréments qu'on lui pouvait donner, et c'est ce qui m'a fait résoudre à la tourner en vers pour la mettre en état de mériter avec un peu plus de justice les applaudissements qu'elle a reçus de tout le monde, plutôt par bonheur que par mérite. Je sais bien qu'il doit sembler étrange de me voir abaisser une chose que j'ose vous offrir, mais je ne prétends pas qu'elle me doive ni sa gloire, ni son abaissement, et je ne réglerai l'estime que j'en dois faire qu'au jugement que vous en ferez : que si je lui laisse maintenant quelques avantages des acclamations publiques qu'elle a reçues, et en italien et en français, ce n'est que parce qu'ils me fournissent l'occasion de vous donner une preuve de mon respect en mettant cette version que j'en ai faite sous votre protection. Je ne suis pas assez vain pour m'imaginer que ce faible hommage m'acquitte de ce que je vous dois, ou qu'il ait rien de proportionné à ce mérite qui vous met autant au-dessus du commun par son éclat que vous l'êtes déjà par celui du rang que vous donne votre naissance. Je sais trop bien comme vous savez juger de tout ce que peuvent produire les plus beaux génies, pour vous offrir comme un ouvrage considérable une satire qui doit sa plus grande réussite à ce certain courant des choses qui les fait recevoir, de quelque nature qu'elles soient, et que nous appelons la mode, et lorsque je vous l'offre, je ne fais qu'imiter les Romains, qui présentaient autrefois des lauriers aux vainqueurs, non pas pour payer leurs victoires, mais seulement pour témoigner qu'ils connaissaient ce qui leur était dû et pour servir comme de préludes à la pompe des triomphes qui leur étaient destinés. Je ne me permets, Mademoiselle, que ce que ces maîtres du monde accordaient à leurs moindres citoyens, et je vous présente une bagatelle comme le dernier Romain avait la liberté d'offrir des branches de laurier. Je laisse, dis-je, à des plumes plus savantes et plus hardies à disposer des ornements dont on peut composer votre panégyrique, de même que le peuple laissait au Sénat le pouvoir et le soin de décerner des triomphes à ceux dont les grandes actions en méritaient. Je ne me sens pas assez fort pour une si haute entreprise, et je borne mes plus vastes projets à celui d'obtenir de vous la permission de me dire,
Mademoiselle,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Somaize.