À Madame, Madame la marquise de Montlouet.
Madame,
Après avoir quelque temps douté si je différerais les preuves de mon respect pour vous en donner de plus considérables, ou si je me hasarderais de vous le témoigner par l’offre d’une bagatelle, je me suis enfin laissé persuader que je ne pouvais avec trop d’empressement chercher les moyens de vous en donner des marques. Mais comme il me semblait presque impossible qu’elles vous fussent considérables sortant de mes mains, j’ai cherché dans les agréments d’un style burlesque de quoi réparer mon peu de mérite, et ne me sentant pas assez fort pour vous plaire par la beauté de mes pensées, j’ai voulu vous empêcher de songer à ma faiblesse, et réparer ce défaut par la plaisanterie de mes imaginations. En un mot, Madame, je me suis résolu de vous offrir une comédie, n’osant pas vous présenter un ouvrage sérieux. Dans cette entreprise je n’ai point d’autre but que celui de vous divertir, et de vous faire connaître que je me souviens de ce que je vous dois. J’avoue que c’est me charger d’une nouvelle obligation que de vouloir m’acquitter ainsi, mais il est bien malaisé de n’être pas toujours redevable à celles qui vous ressemblent ; aussi me fondai-je entièrement sur votre bonté. C’est une de vos vertus, Madame, et vous n’avez pas acquis moins de réputation dans la cour par elle que par toutes vos autres bonnes qualités. Je m’abuserais moi-même si je prétendais en faire ici le dénombrement. Trop de choses vous ont rendue recommandable durant que vous avez été auprès de la plus auguste et plus vertueuse reine qui ait jamais porté la couronne pour me laisser le moyen de l’oser entreprendre. Aussi ne m’y hasarderai-je pas, et tout le témoignage que je veux rendre à une vertu connue de tout le monde, c’est que dans ce lieu où votre naissance vous avait appelée, dans ce lieu, dis-je, où la médisance n’épargne personne, votre vertu lui a si bien fermé la bouche que les plus médisants ne l’ont jamais ouverte que pour publier que vous étiez la plus sage et la plus vertueuse personne de la cour. Et dans ce lieu ce n’est pas peu de chose de conserver tant d’estime avec tant de beauté. Cependant ce qui pour lors était vrai ne l’est pas moins à présent, au contraire on peut dire que vos vertus brillent avec plus d’éclat, mais dans cette estime générale de tous ceux qui vous connaissent, souvenez-vous de cette générosité par où vous l’avez acquise. C’en est une bien grande, Madame, de regarder de bon œil les choses qui sont au-dessous de nous, et c’est celle dont je vous prie de vous servir en mon endroit, me permettant de me dire avec respect,
Madame,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Somaize.