À son altesse royale Mademoiselle.
Mademoiselle,
Que j’eus de joie lorsque votre altesse royale eut la bonté de me témoigner que cette comédie ne lui avait pas déplu, mais que j’aurais de douleur, si je ne pouvais jamais lui donner des marques plus fortes de la passion que j’aurai toute ma vie à contribuer à ses divertissements. Aussi, Mademoiselle, quoique je doive être persuadé que ce petit ouvrage a quelque chose de supportable, puisque votre altesse royale a daigné l’honorer de son attention, ce n’est pas mon dessein de lui faire mon premier présent de trente pages de vers, ni que cette épître passe pour dédicatoire. Je prétends seulement qu’elle me donne lieu de lui rendre en public mes premiers hommages, et de lui demander humblement la permission de lui consacrer désormais tout ce que je pourrai produire de moins indigne d’elle. Je sais bien, Mademoiselle, que pour une princesse du premier sang du monde, pour une petite fille du grand Henri, la gloire de tous les rois, pour un esprit qui égale sa naissance, sublime autant qu’elle est relevée, qui ne voit rien au-dessus de lui, comme l’autre voit tout au-dessous d’elle. Je sais bien, dis-je, que pour votre altesse royale, toutes les productions les plus excellentes, et des plus grands maîtres, ne sont que des présents peu proportionnés à l’éclat de sa personne, et aux brillantes lumières de son âme. Elle conçoit tout avec une facilité admirable, elle pénètre d’abord jusqu’au fond des choses, et n’a presque pas besoin de passer par les degrés de notre raisonnement, non plus que ces substances purement spirituelles, qui ont ce beau privilège par-dessus nous. C’est cette vivacité d’esprit merveilleuse, et ce feu qui ne peut être retenu par une force de jugement qui l’égale, qui me donnent tout ensemble de l’admiration et de la crainte, et si je n’envisageais d’ailleurs cette grandeur d’âme, et ces bontés royales qui accompagnent des connaissances si relevées, je ne serais jamais assez téméraire pour lui rien offrir, puisque je ne produirai jamais rien qui ne soit très indigne de lui être offert. Mais mon ambition sera satisfaite, si je puis au moins obtenir la permission de me dire toute ma vie avec un profond respect,
Mademoiselle,
De votre altesse royale,
Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,
Chappuzeau.