À son altesse royale Mademoiselle.
Mademoiselle,
Le fort attachement que votre altesse royale a pour toutes les choses qui regardent l'esprit et la générosité donne tant de sujet de vous louer, et de vous admirer, que je n'ai pu me dispenser, quoiqu'indigne de cet honneur, de suivre ceux que le respect et le devoir ont fait parler lorsqu'ils en ont trouvé l'heureuse occasion. Vous êtes l'héroïne de notre siècle, et la visible Minerve de notre âge, et les Muses françaises n'en reconnaissent point d'autres. Elles viennent vous offrir leurs ouvrages, et trouvent plus de gloire à tomber dans l'admiration de votre bel esprit que de vous voir dans celle de leur production. Votre altesse royale est toute admirable, et ne peut trouver que fort peu de choses qui soient dignes d'être admirées d'elle. Aussi, lorsque je prends la hardiesse de lui dédier Rosélie, qu'elle m'a fait la grâce de souffrir et d'approuver, je n'ai pas la vanité de croire qu'elle lui donnera le moindre plaisir, mais je viens vous prier, Mademoiselle, de permettre qu'elle porte le nom glorieux de votre altesse royale. Ce n'est que sous cet auguste nom qu'elle peut être reçue du public, et soufferte des personnes d'esprit. J'ai l'honneur d'être à vous, Mademoiselle, et je serais bien aise que ce petit présent pût être un témoignage du dessein que j'ai d'y être toute ma vie, et de sacrifier mes veilles à votre divertissement. Les beaux livres et les galantes comédies trouvent leur protection toute entière auprès de vous, et si j'osais dire que je n'attends le bonheur de celle-ci que de votre glorieux suffrage, peut-être obtiendrais-je de votre bonté, ce que la force et la beauté de votre esprit ne me sauraient accorder. C'est l'ordinaire effet de votre humeur généreuse, et j'espère qu'elle ira jusques à m'accorder ce bien, et même jusques à la bonté de souffrir que je me dise avec autant de zèle que de respect,
Mademoiselle,
De votre altesse royale,
Le très humble et très obéissant serviteur,
Dorimond.