À Madame, Madame la duchesse de Montausier, dame d’honneur de la reine.
Madame,
Vous voyez combien il est dangereux d’avoir quelque fois trop d’indulgence pour ceux qui se mêlent d’écrire : l’approbation dont vous avez honoré cette comédie m’a donné la hardiesse de vous l’offrir, et voilà ce que vous coûte la bonté que vous avez eue d’en vouloir dire trop de bien. Je ne doute pas, Madame, que si je m’étais rendu justice, je n’eusse jugé plus modestement de la grâce que vous avez faite à cet ouvrage, mais il est si naturel de se flatter, et si avantageux de vous plaire, qu’il n’y a point de modestie qui puisse tenir contre des louanges aussi glorieuses que les vôtres. Pardonnez-moi donc, s’il vous plaît, l’audace que j’ai de vous faire un présent si peu digne de vous : pour essayer de vous le rendre moins fâcheux, j’en retrancherai les éloges que vous pourriez craindre d’une épître dédicatoire. Ce n’est pas, Madame, une légère peine que je m’impose : je ne connais point de violence au monde, qui soit égale à celle de s’empêcher de vous louer, mais la faiblesse que je sens en moi, doit arrêter le zèle qui m’emporte, et l’illustre Julie du fameux Voiture est dans un si haut degré de gloire qu’une plume comme la mienne n’y peut toucher sans profanation. En vérité, Madame, c’est grand dommage que cet homme si plein d’esprit n’ait assez vécu pour être témoin de la dernière perfection d’un mérite qu’il a tant admiré dans sa naissance et dans son progrès. Il serait extrêmement à souhaiter qu’une mort moins précipitée lui eût permis de voir les endroits les plus éclatants de votre vie, et lui eût laissé le loisir de les mettre dans leur plus beau jour. L’honneur de cet emploi ne doit être réservé, à son défaut, qu’à des génies qui soient, s’il est possible, de l’excellence du sien, et ma témérité ne serait pas excusable, si je ne la bornais en cette occasion à la liberté que j’ose prendre de vous protester que je suis, avec tout le respect que je vous dois,
Madame,
Votre très humble, et très obéissant serviteur,
Quinault.