Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Le Berger fidèle</em> Torche, Antoine (1631-1675) 1667 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1667_torche_berger-fidel 1667 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À son altesse royale Madame.

Madame,

C’est être, sans doute, bien hardi, que d’oser offrir quelque chose à votre altesse royale, pour qui l’on ne peut rien trouver d’assez précieux, ni d’assez digne d’elle.

Peut-être ce Berger est-il trop téméraire,

De vouloir paraître au grand jour :

Mais comme ce n’est pas un miracle ordinaire

Qu’il vient admirer à la cour,

On luit doit pardonner, s’il quitte son séjour.

Peut-on, Madame, lorsqu’on voit briller tous vos charmes, tenir secrets les hommages que nous devons à votre gloire ? Il est vrai que l’admiration produit le silence, mais quand il a duré quelque temps, on éclate enfin, et l’on ne peut se taire de ce qui nous avait si justement surpris.

Nous sommes contraints d’avouer,

Qu’il n’est rien qui ne cède à de si douces armes ;

Mais si l’on est forcé d’admirer tant de charmes,

Qu’on est aise de les louer !

Aussi, Madame, comme j’étais prévenu de ces éclatantes vérités, j’ai cru ma vue trop faible pour vous aborder tout d’un coup ; je me défiais de mon ouvrage, j’en ai donné quelques essais qui n’ont pas été mal reçus, et ne voulant vous rien offrir qui fut indigne de votre altesse royale, j’ai sondé l’approbation des gens délicats, et je suis enfin insensiblement, et comme par degrés, arrivé jusqu’à vous, et comme rien n’est si rare à la cour qu’un berger fidèle, cette belle qualité lui a donné la hardiesse d’y paraître.

Daignez-y jeter ces regards

Si fins, si doux, si redoutables,

Qui partent de ces yeux que le cœur des Césars

Trouverait sans doute adorables.

Si cette charmante comédie les peut attirer, je ne doute point que votre altesse royale n’y trouve des caractères qui lui plairont assez.

C’est un berger constant, amoureux, et fidèle,

Il est du plus pur sang des dieux ;

La bergère est illustre, elle est modeste et belle,

Et partout son esprit brille autant que ses yeux.

On sait, Madame, que vous aimez la chasse, et que ce royal exercice fait un de vos plus doux plaisirs, et vous verrez ici un berger qui fait gloire de cette innocente passion. Vous avez le cœur du monde le mieux fait et le plus noble, et vous y trouverez des sentiments si généreux, que vous ne pourrez vous empêcher de les louer. Vous n’aimez la foule ni la presse, et vous y trouverez Amarillis qui vient quelquefois s’entretenir dans la solitude, et charmer ses plus cruels ennuis.

N’ayant pas ce qu’elle désire,

Elle aime le silence, et cherche les forêts ;

Et si son cœur ne peut soulager son martyre,

Du moins il ne saurait le dire

À des confidents plus secrets.

Mais après tous ces beaux sentiments, il est bien juste, Madame, que je découvre les miens, et que parlant un peu pour moi, je fasse connaître à tout le monde le zèle extraordinaire que peut inspirer une grande princesse, et le profond respect avec lequel je suis,

Madame,

De votre altesse royale,

Le très humble et très obéissant serviteur.

D. T.