Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Le Soldat poltron</em> Chevalier, Jean Simonin, dit (16..-1674) 1668 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1668_chevalier_soldat-poltron 1668 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À Polyxène.

Vous m’avez commandé de vous faire un présent, belle Polyxène, sans vouloir considérer que je ne vous en puis faire de proportionnés à votre mérite, et selon mes souhaits. Si vous aviez été personne à vous satisfaire de celui de mon cœur seulement, je m’en serais tenu là, mais ces sortes de libéralités vous accablent, ces malheureux s’exposent en foule aux duretés du vôtre, et vous ne les regardez qu’en les négligeant, comme des hommages et des sacrifices indignes de vos charmes, et des feux qu’allume en eux l’éclat de vos yeux. Vous en avez voulu recevoir un de moi qui ne fut pas ordinaire, pour faire connaître que tout vous est dû. C’est un effet du bon sens que vous gardez en toutes choses, de n’en avoir point voulu d’autre de moi après celui de moi-même. Je suis comédien, et j’ai voulu faire l’auteur ; ces deux qualités traînent avec elles beaucoup d’indigence, de fortune, et de raison. On dit, en commun proverbe, que les poètes sont fous. Si vous en êtes persuadée, incomparable Polyxène, que doivent être ceux qui n’agissent et ne parlent que par leur organe ? J’étais déjà l’un, et vous m’avez commandé d’être l’autre, en m’obligeant d’étaler cette badinerie au théâtre. Jugez par là de l’état de ma raison quand même vous ne conteriez pour rien mon amour qui l’avait déjà fort altérée. Je veux croire que cette folle production vous a divertie, puisqu’après plus d’une lecture où vous n’avez pas paru chagrine, la représentation vous a fait pousser des éclats de rire, et qu’ensuite vous en avez voulu faire votre bien. Je n’ai pas cru devoir m’en défendre, puisque vos ordres me sont des lois inviolables. Je vous la donne donc cette folle production, mais je vous la donne comme une marque de mon obéissance, et prétends par là vous prouver le respect que j’ai pour vos commandements. J’espère pourtant de votre amitié que vous ferez justice à mes intentions, et qu’en traitant ceci de bagatelle, vous direz à vos amis, pour ménager ma réputation, que c’est un travail quasi aussitôt achevé qu’imaginé, et pour lequel vous ne m’avez donné que fort peu de temps. Vous empêcherez par là les censeurs de dire que j’ai beaucoup rêvé pour faire une sottise. Vous avez intérêt à la conservation de mes avantages, puisqu’en ne les appuyant pas autant que votre amitié vous y engage, on pourrait vous blâmer d’avoir souffert dans l’honneur de votre service, un homme qui n’est pas digne d’être à vous.